Le scénario est presque digne des rebondissements d'un film d'action. Depuis trois ans, le cinéma québécois a connu quelques déboires aux guichets locaux pour, dans la séquence suivante, se présenter dans toute sa gloire sur le podium des Oscars. L'histoire a même un happy ending: on vient d'apprendre, en effet, que deux films québécois sont en nomination dans la course aux statuettes d'or.

Il s'agit de Rebelle, de Kim Nguyen, et du court métrage Henry, de Yan England.

C'est la troisième année de suite, après Incendies en 2011 et Monsieur Lazhar l'an dernier, que notre cinéma est remarqué par le sénat hollywoodien.

Mais, en même temps, les Québécois ont davantage boudé leurs films - 4,8% du marché en 2012 - qu'ils ne l'avaient fait au cours des 12 années précédentes. Les recettes globales étant demeurées stables à 202 millions, le déplacement d'auditoire ne s'est pas effectué surtout au profit des Américains, les éternels méchants du cinoche. Mais plutôt au profit des Français, qui ont presque doublé leur part de marché, passée de 3,4 à 6% par rapport à 2011.

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En novembre dernier, lorsqu'il est devenu évident que l'année serait catastrophique, le milieu québécois du cinéma s'est tapé une petite crise du bacon.

Le propriétaire de salles Vincent Guzzo a lancé l'affaire en réclamant davantage de «films que le monde veut voir». Comme de juste, on l'a abreuvé d'injures. Les apôtres du cinéma d'auteur ont répliqué en dénonçant cette «dictature des pertes et profits». Comme d'habitude, on les a ignorés. S'il y a une chose que le public québécois est déterminé à bouder, en effet, c'est bien le millième remake qu'on lui sert du vieux péplum en noir et blanc L'Art contre le Commerce.

Le cinéma ne peut pas faire autre chose que de fondre art et commerce.

Il s'agit en effet d'un outil d'expression et de communication extraordinairement coûteux - qu'il soit privé ou public, le financement provient toujours des mêmes poches. Et dont toute la structure, la logistique, la finalité même, sont assises depuis les frères Lumière et le Ouimetoscope sur une adhésion au moins minimale du public.

Il est étonnant que cette réalité étonne encore.

De fait, il serait intéressant de faire un sondage... en prenant la précaution d'écarter, d'un côté, les doctes spécialistes et, de l'autre, les ados traversant la phase Massacre à la tronçonneuse. Question: quel est votre palmarès personnel, à vie, des meilleurs films?

Il y a fort à parier que la liste serait en majorité composée d'oeuvres ayant su combiner, dans des proportions variables, la profondeur ainsi qu'un succès honorable au box-office. Or, les cinéastes québécois y parviennent, peut-être même plus souvent qu'à leur tour: lorsque les choses vont moins bien, il faut s'en rappeler.

Personne ne leur demande de tabasser James Bond et de lui arracher les recettes de Skyfall.