Notre attention collective étant sollicitée à la fois par les jeux du stade, à Londres, et ceux de la politique, chez nous, on aura un peu négligé un exploit scientifique hors du commun. Il s'agit évidemment de l'atterrissage (l'amarsissage?) sur la planète rouge de Curiosity, le véhicule d'exploration et de recherche le plus sophistiqué jamais envoyé dans l'espace.

Le robot de 900 kg, de la grosseur d'une petite automobile, s'est posé en douceur après un périple de huit mois suivi de «sept minutes de terreur», selon l'expression de la NASA. C'est-à-dire le temps qu'a duré la séquence de descente, de freinage et d'atterrissage, entièrement automatisée, la distance ne permettant aucun contrôle direct à partir de la Terre.

La réussite de cette manoeuvre inédite, d'une extraordinaire complexité (parachute, «grue» autopropulsée, câbles de descente finale et de largage), n'est pas le moindre motif de fierté pour les artisans de la mission.

Poser un objet sur Mars est en effet beaucoup plus difficile qu'il y paraît. Depuis un quart de siècle, seulement 15 des 41 missions destinées à étudier la planète Mars ont connu le succès.

Certes, ces programmes d'exploration automatisée sont beaucoup moins coûteux que ceux des vols habités. Ainsi, avec une facture de 2,5 milliards$US, la mission Curiosity aura été la plus dispendieuse des expéditions martiennes, mais on demeure très loin des 122 milliards du programme Apollo qui a posé des hommes sur la Lune; ou des 137 milliards qu'a engloutis la Station spatiale internationale.

Cependant, l'argent disponible pour l'espace se fait rare: la NASA a vu son budget d'exploration robotisée de Mars amputé de 39% au début de 2012 alors que la Russie, la Chine et l'Inde ont beaucoup d'intentions, certes, mais peu de plans. La motivation politique induite par la Guerre froide a depuis longtemps fondu. La navette est désormais au musée. Les objectifs à poursuivre sont flous: retourner sur la Lune? Récidiver dans la construction de stations orbitales? Envoyer des hommes sur Mars, comme l'envisage Barack Obama pour 2030? Laisser le secteur privé développer le tourisme spatial et le transport en orbite basse? La question demeure ouverte.

Et, au fait, l'espace, est-ce que ça intéresse encore le commun des mortels? ...

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L'exploration spatiale en est un peu arrivée aujourd'hui au point où se trouve la recherche fondamentale en matière de physique des particules ou d'astrophysique. Ce n'est pas très spectaculaire. Et, bien franchement, qu'ossa donne?

De fait, on vend probablement des centaines de livres d'astrologie pour un seul d'astronomie. Et s'il se trouve toujours quelqu'un pour prendre la défense de «l'art pour l'art», on n'entend jamais vanter «le savoir pour le savoir». Or, sur Mars, c'est précisément à une course à la connaissance que Curiosity va se livrer. Notamment sur les mécanismes d'apparition de la vie, lesquels auraient pu s'y manifester avant même de le faire sur la Terre.

Difficile de trouver plus passionnant, plus essentiel. Au moins autant que les jeux du stade ou de la politique.