Ces atrocités-là ne peuvent plus se produire aujourd'hui sous le couvert du silence et du secret. Mais elles se produisent tout de même et il semble bien que personne, surtout pas l'ONU, puisse y faire quoi que ce soit. Ainsi, Human Rights Watch a publié, hier, un rapport accablant sur les crimes perpétrés par le régime syrien contre sa propre population.

Son titre, L'archipel de la torture, dit tout, en évoquant bien sûr Soljenitsyne et le goulag.

En rencontrant 200 personnes, principalement des ex-prisonniers politiques réfugiés en Jordanie, HRW a obtenu des détails sur les 27 centres de torture administrés par quatre agences de sécurité différentes. Sur les sévices qu'on y inflige, une véritable anthologie de la barbarie institutionnalisée. Et sur l'identité des officiers supérieurs qui dirigent ces centres, en espérant qu'ils auront un jour à répondre de leurs actes. Des milliers de citoyens syriens, y compris des enfants, seraient passés par ces donjons, monuments élevés à la folle, et peut-être suicidaire, résistance du régime de Bachar al-Assad.

Personne, donc, ne peut plus l'ignorer: avec ses 16 500 victimes à ce jour et son chapelet d'atrocités, le «printemps» syrien est de loin la plus sanglante des rébellions survenues dans les pays arabes.

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Quelques heures avant que Human Rights Watch ne dépose son rapport accablant sur le conflit syrien, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU réuni à Genève, lundi, a consacré toute son attention au conflit... israélo-palestinien.

Le plus sérieusement du monde, la Syrie s'y est présentée pour vilipender Israël, estimant que «l'occupation (des territoires palestiniens) constitue le principal obstacle à la paix et à la stabilité dans cette région». L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Iran, Cuba et le Soudan, entre autres, ont défilé ensuite, condamnant Israël pour son non-respect des droits de l'homme - ce qui, venant d'eux, fait en effet réfléchir. Enfin, ultime saynète vaudevillesque, un haut fonctionnaire de l'ONU, le rapporteur spécial Richard Falk, a réclamé que la Cour pénale internationale se penche sur les conditions de détention dans les prisons... israéliennes!

Or, au moment même où étaient livrés ces édifiants monologues, lundi, le bilan des hostilités en Syrie s'alourdissait de 78 morts, dont 44 civils. On ignore cependant combien de prisonniers ont, ce jour-là, été torturés dans les geôles de Damas...

Comment, après cela, continuer à prendre l'ONU au sérieux?

Dénoncer la faim au Canada, le fascisme au Québec ou le racisme à Montréal, ça, l'ONU sait faire. Cependant, de la même façon que son «machin» des droits de l'homme a depuis longtemps (au moins depuis 2001 et la tristement célèbre conférence de Durban) renié son rôle pour sombrer dans la bouffonnerie, le Conseil de sécurité, crise après crise, du Rwanda à la Syrie, se révèle impuissant.

Il faudra vraiment inventer autre chose.