Le jour D approche. D pour déménagement. Si l'entreprise est pénible pour ceux et celles qui ont à trimbaler leur butin d'un logement à un autre, elle l'est encore davantage pour les animaux de compagnie. Du demi-million de chats et chiens abandonnés annuellement au Québec, la moitié l'est à ce temps-ci de l'année. Résultat: 80% de ces animaux doivent être euthanasiés.

Ce phénomène contribue à donner aux Québécois la réputation qu'ils ont - c'est-à-dire: mauvaise - en ce qui a trait à leur attitude vis-à-vis les bêtes.

Le Québec est le champion nord-américain de l'abandon: entre 23 et 25% des animaux vivant dans des familles sont «jetés» chaque année. Leurs propriétaires les gardent de 19 à 24 mois, alors que chats et chiens vivent plus de 10 ans. On dépense beaucoup moins au Québec pour les soins de son animal que dans le reste du Canada, 580 contre 865$ par an. Enfin, il y a ce scandale effarant des usines à chiots (il y en aurait plus de 1800) qui approvisionnent même l'étranger au prix, trop souvent, d'une véritable torture infligée aux femelles reproductrices et à leur progéniture.

On connaît le cliché gandhien voulant qu'on juge du degré de civilisation d'un peuple à la façon dont il traite ses animaux. Vrai, même s'il existe bien d'autres critères pour en juger.

Cependant, la relative insensibilité des Québécois en cette matière dénote certainement une mauvaise compréhension de l'aptitude des bêtes à souffrir. Et, plus fondamentalement encore, une ignorance du «contrat» signé avec les quelques espèces qui se sont liées à nous - et nous à elles - au fil des millénaires, lequel impose l'obligation morale de bien les traiter.

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La situation évolue néanmoins.

Il y a quelques jours, sont entrés en vigueur un nouveau règlement sur la sécurité et le bien-être des chats et des chiens ainsi qu'une nouvelle loi sur la protection sanitaire des animaux. De plus, la Ville de Montréal vient d'initier une campagne de sensibilisation qui concerne précisément l'abandon des chats et des chiens (45% des foyers montréalais abritent l'un ou l'autre).

Mais il faudra faire davantage.

Stériliser le plus grand nombre possible d'animaux domestiques, notamment. La Ville de New York a ainsi expérimenté des cliniques mobiles de stérilisation à coût minime. En quelques années, cela a eu pour effet de diviser par quatre le nombre de bêtes condamnées à l'euthanasie. Pourrait-on s'inspirer de cette expérience?

Et encore: pourrait-on restreindre le droit des propriétaires à interdire les animaux de compagnie à leurs locataires? Cela diminuerait certainement le nombre des abandons et permettrait à davantage de gens de jouir des bienfaits réels que procure la compagnie d'un animal.

Car le «contrat» évoqué plus haut n'en est pas un d'affaires. Mais plutôt d'attachement mutuel profitable aux deux parties.