Après plus de dix ans de présence militaire occidentale en Afghanistan, l'heure des bilans a bel et bien sonné. Et ce, même si le grand retrait international n'est prévu que pour 2014, le premier ministre Stephen Harper n'excluant pas de prolonger l'un ou l'autre mandat des Forces canadiennes en sol afghan.

L'«après» a déjà débuté. Principalement sous forme d'instabilité politique et de perte de contrôle du territoire. De recul des grandes ambitions et des fragiles acquis en matière de droits de l'homme. Pour dire, il semble qu'il faille maintenant se réjouir du fait que l'Afghanistan n'est plus le pire pays pour les femmes, ce trophée de l'horreur ayant récemment été remis au Nigeria...

Ces incontournables vérités joueront sans doute le rôle du proverbial éléphant dans la pièce lors du sommet de l'OTAN qui aura lieu, ce week-end, à Chicago.

Car, dans les faits, tout le monde prépare sa sortie.

C'est la France qui le fait le plus ouvertement (et le plus symboliquement). Elle visera vraisemblablement la fin 2012 et, à tout événement, monte déjà la logistique d'évacuation de sa quincaillerie militaire. Quant à eux, les Américains ont perdu tout intérêt dans ce conflit, le Congrès resserre les cordons de la bourse, 22 000 militaires (des 90 000 qui sont là) seront rapatriés dès septembre.

Et quelqu'un a peut-être déjà servi à Barack Obama le conseil donné à Lyndon B. Johnson au plus creux de la guerre du Vietnam: «Déclarons victoire et sortons de là...»

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Déclarer victoire serait risible, bien sûr. Mais admettre la défaite serait un brise coeur pour les Canadiens qui ont sacrifié 158 des leurs dans ce conflit, ont dû rapatrier 615 blessés et ont englouti 20 milliards dans l'entreprise.

Aussi, l'attitude la plus optimiste serait sans doute de considérer que l'Afghanistan n'est plus - et, avec un peu de chance, ne sera plus jamais - la forteresse du terrorisme islamique, sans parler du fait qu'Oussama ben Laden a enfin été débusqué.

C'étaient les premières raisons d'aller là-bas. Mais ce sont des motifs de réjouissance bien fragiles.

Le noyau dur d'Al-Qaïda s'est installé au Yémen, «le pays qui ressemble le plus, aujourd'hui, à ce qu'était l'Afghanistan avant le 11 septembre 2001», décrit Peter L. Bergen dans son tout récent ouvrage, Man Hunt (non traduit en français). Quant à ben Laden, dont Bergen raconte la traque, il a été retrouvé dans le cadre d'une opération qui a peu à voir avec l'occupation afghane - dix ans après que, justement, on l'ait «échappé» à Tora Bora...

À Chicago, dans quelques jours, l'OTAN n'accouchera peut-être que du blabla politico-diplomatique auquel les grands organismes internationaux nous ont habitués. Mais cela ne lui épargnera pas d'avoir un jour à revoir son rôle dans le monde, ses ambitions et, comme beaucoup le suggèrent, sa nature même.