Quelques mois après avoir acquis son indépendance, le Soudan du Sud est déjà en guerre ouverte contre Khartoum, son ancienne capitale. Un «mouvement de libération» est également partie au conflit. Depuis 48 heures, la situation s'est aggravée.

Tout cela va conduire à la famine, a averti l'ONU, qui prévoit 250 000 morts et 500 000 déplacés.

Comment en serait-il autrement?

Alors que, en plus des deux Soudan à l'est, tout le Sahel est menacé par la famine, le lien étroit entre guerre et faim est sans cesse ignoré. Car débattre de la famine en Afrique revient en pratique à consigner l'histoire des conflits, insurrections et massacres y ayant sévi depuis plus d'un demi-siècle.

Peut-être préfère-t-on ne pas avoir à faire le terrible constat que cette violence organisée - de plus en plus souvent sur le mode du banditisme pur et simple - résiste à tout?

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Certes, existent bel et bien la sécheresse, la mauvaise gouvernance et une quantité x d'exploitation exercée à partir des autres continents.

Mais, pour aller à l'essentiel, les Africains fauchés à la kalachnikov ou à la machette ne cultivent plus la terre. Ni ceux qui, terrorisés, deviennent des réfugiés ou des déplacés de l'intérieur. La guerre détruit tout. Les familles, les villages, les écoles, les dispensaires, l'irrigation, les récoltes, les cheptels, l'accès aux secours internationaux. Ainsi que l'espoir et la dignité.

Entre 1990 et 2005, 23 pays africains (presque la moitié du continent!) ont connu la guerre sous une forme ou une autre. Coût global: 284 milliards US, à peu près l'équivalent de l'aide reçue de l'étranger. Dans les pays en guerre, le PIB par habitant a été de moins du tiers de celui des pays en paix (427 contre 1440$). Un tel naufrage n'entraîne pas une agaçante diminution du niveau de vie, mais la faim assurée, sinon la mort.

On a vu le cas du Soudan, qui préoccupe à nouveau.

Le pays récemment divisé est en état presque permanent de guerre civile ou de déprédation planifiée depuis son indépendance, en 1956. On ne sait plus au juste combien de millions de morts, de réfugiés et de déplacés ont fait ces conflits. Son PIB par habitant le situe au 172e rang de la planète et 40% de sa population vit sous le seuil de la pauvreté. Le président Omar el-Béchir est l'objet d'un mandat d'arrêt international pour crimes contre l'humanité. Entre 2003 et 2009, il a englouti 35 milliards dans le conflit au Darfour, soit 233% du PIB annuel du Soudan!

Presque tous les pays du Sahel, également menacés aujourd'hui par la famine, sont ou ont récemment été affligés par la guerre, l'insurrection, le saccage, le coup d'État - notamment au Mali, il y a trois semaines. Ils sont donc presque tous en quête d'une stabilité et d'une paix durable qui leur échappent.

On aura beau ergoter à l'infini, l'Afrique aura faim tant qu'une partie importante de son territoire sera à feu et à sang.