Une histoire croisée comme celle-là, mêlant armes à feu et vengeance, biais raciaux et individualisme exacerbé, ne peut se produire qu'aux États-Unis.

Premier événement, en Floride.

Il a littéralement fait le tour du monde. Il s'agit de la mort, fin février, d'un adolescent noir de 17 ans, Trayvon Martin, abattu par un citoyen blanc, George Zimmerman. Celui-ci s'était donné la mission d'effectuer des rondes de surveillance dans son quartier.

Or, il n'a été arrêté et mis en accusation qu'hier, après une longue hésitation des procureurs mis sous pression par l'opinion publique. De fait, le gouverneur républicain de la Floride, Rick Scott, a cru utile de lancer un appel au calme quelques minutes avant l'annonce de la mise en accusation. Zimmerman a été accusé de meurtre au second degré - mais non de crime haineux.

Sera donc débattue en cour l'affirmation de l'accusé à l'effet qu'il aurait agi en état légitime défense. Plus spécifiquement dans sa version redéfinie par la loi dite du «Stand Your Ground» (que l'on pourrait approximativement traduire par: «Ne reculez pas» ou «Défendez-vous»).

Elle a été officialisée sous différentes moutures, au cours des années 2000, dans un grand nombre d'États américains. En gros, il s'agit d'un élargissement de la notion de légitime défense. Est ainsi autorisé l'usage immédiat d'une arme létale par une personne qui est - ou prétend être - menacée ou assaillie.

Deuxième événement, en Oklahoma.

C'est un désir de vengeance consécutif à un homicide ainsi «pardonné» qui serait au coeur de l'assassinat de trois Noirs, le week-end dernier. Carl England, un Blanc, le père d'un des deux suspects appréhendés, avait été abattu en 2010 par un Noir par la suite exonéré en vertu de la loi du «Stand Your Ground». Son fils aurait donc réagi de cette absurde façon.

***

Inutile d'insister sur la charge raciale que contiennent ces deux affaires.

Ce qui est tout aussi frappant est le danger que représente ce qu'on pourrait appeler le «syndrome Charles Bronson», cet acteur qui fut souvent appelé à jouer au cinéma des rôles de justicier. Couplé à l'omniprésence des armes à feu, s'insérant dans une culture historique d'autodéfense, ce syndrome est susceptible de transformer en un véritable permis de tuer une loi qui, de fait, en est presque une.

Le président Barack Obama a appelé à un réexamen de cette loi, tout comme un éventail de groupes de pression.

C'est le moins qu'on puisse faire.

Mais ce qu'on retiendra plus généralement, et cela vaut pour toutes les nations, c'est qu'il faut faire très attention à la façon dont on manipule la législation criminelle à la faveur des humeurs du moment.