Comment en sont-ils arrivés là? À nourrir une course à la présidence, dès sa première étape, avec un débat surréaliste sur la contraception. Avec d'autres querelles sur le mariage gai, l'avortement, le sexe en général. Enfin, avec une controverse sur les projets de Satan (oui, Satan!) en Amérique. Comment est-ce possible?

Il est bien sûr question des primaires républicaines, qui entrent dans le dernier droit aux États-Unis.

Cette campagne est étonnante. Au point où on finit par croire que, pour les républicains, choisir lequel des leurs tentera d'entrer à la Maison-Blanche consiste à négliger l'essentiel pour se concentrer sur l'accessoire. Et même parfois sur le risible.

Par exemple, dans tout pays aussi malmené économiquement, c'est d'économie que l'on discuterait presque exclusivement. Dans une contrée aussi «lourde» au plan international, c'est de l'usage de cette influence qu'il serait question. Au sein d'une nation aussi dépendante de la science et de la technologie, le discours politique ne serait pas obnubilé par des soucis aussi... talibanesques.

L'affaire est inédite en Occident. Pourquoi?

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Le conservatisme social américain a ses racines dans la déclaration d'indépendance en ce qu'elle se soumet à la «loi naturelle» d'origine divine - contrairement à la constitution, muette sur ce point. Assoupi pendant des décennies, ce courant a été «réveillé» par la révolution sexuelle des années 60. Depuis ce temps, les républicains gagnent des points en mettant de l'avant les questions morales, ce dont ils seraient fous de se priver.

C'est la théorie que soutient (dans le Wall Street Journal et dans un livre à paraître) un républicain pur jus, Jeffrey Bell.

Son analyse tombe au moment où deux hommes mènent le bal. Mitt Romney, d'une part. Un modéré qui devra un jour s'expliquer sur son appartenance à une Église, celle des mormons, inventée au XIXe siècle par un aventurier et encore plus fantaisiste que la plupart des religions constituées. Rick Santorum, d'autre part. Un fondamentaliste catholique aujourd'hui confronté à ses déclarations passées sur le diable (c'est son invité, en effet), les femmes, les noirs, les gais...

Faudra-t-il subir jusqu'à la présidentielle de novembre une campagne de cette sorte?

Les démocrates devront y voir. Les femmes aussi, notamment en rappelant que 99% des Américaines en âge de procréer recourent à la contraception, dont 98% des catholiques. Les intellectuels, surtout les scientifiques, devront faire plus de bruit. Les citoyens non religieux, agnostiques ou athées également: ils représentent entre 16 et 20% de la population, la plus importante minorité au pays, en augmentation malgré les apparences.

Ce serait tout simple, au fond, de ramener la campagne sur le terrain de la raison. Il faudrait juste convaincre Satan d'aller se faire voir ailleurs.