«Hash, pot, mescaline, cigarettes, jujubes?» Le sympathique revendeur de drogue de votre voisinage pourrait bientôt élargir son inventaire pour y inclure tout ce qui contient du sucre. Non seulement les sucreries en tant que telles, mais beaucoup, beaucoup d'aliments cachant du fructose en quantité industrielle.

Des chercheurs s'exprimant dans la revue britannique Nature viennent en effet de recommander que l'accès au sucre sous toutes ses formes soit réglementé, un peu comme l'est la vente de tabac ou d'alcool.

Selon ces scientifiques de l'Université de Californie, le sucre est en effet aussi dommageable pour la santé que la cigarette ou le scotch. Comme ceux-ci, le sucre entraîne une dépendance. Et il contribue à l'apparition de l'hypertension, des cancers, des maladies cardio-vasculaires, du diabète et de l'obésité. De fait, la planète compte 366 millions de cas identifiés de diabète et on y recense 30% de plus d'obèses que de personnes sous-alimentées.

Or, à eux seuls, les soins de santé liés à l'obésité coûtent près de 150 milliards $US par année aux Américains...

Qu'y faire?

Les chercheurs semblent manier tout aussi bien le fouet que l'éprouvette! Sur un mode mineur, ils suggèrent que le sucre soit lourdement taxé. De façon plus énergique, ils conseillent de fixer un âge minimal pour l'achat de sucreries, de faire la chasse aux distributrices et de limiter le nombre ainsi que les heures d'ouverture des commerces suspects.

Ce qui inclut les comptoirs de fast-food, ces lupanars des temps modernes!

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Personne n'est contre la vertu. Ou la santé.

Mais si on décide de s'y livrer, la répression du sucre présentera des problèmes inédits. Les difficultés liées à la limitation du fructose dans la cuisine industrielle. L'image de marque du sucre, qui n'est pas négative au point où le sont celles du tabac ou de l'alcool. L'exaspération en hausse face au nombre, en hausse lui aussi, des interdits imposés par une nouvelle quête de pureté presque victorienne.

Ce dernier point se complique du fait que les ravages causés par le sucre s'abattent principalement sur les classes moins favorisées. C'est elles qu'il faut donc convaincre de (ou forcer à) renoncer aux joies du Coke, du Mae West, du plat usiné. Et ce, par des arguments venus d'en haut, de plus en plus fondés sur l'économie. Traduction: vous soigner coûte cher, les prolos, faites un peu attention!

Pendant ce temps, on n'a jamais autant parlé dans les médias d'alimentation, de cuisine, de restauration, de gastronomie. Cela a depuis longtemps atteint le stade du fétichisme. Alors, peut-être devrait-on utiliser cette voie de communication large ouverte pour informer et persuader - sans trop faire la morale, si possible - avant d'armer une police du sucre.