Il faut plus de ressources. C'est le réflexe presque pavlovien qui se manifeste à chaque fois que survient une tragédie théoriquement évitable à la condition de disposer de... plus de ressources. Personne ne remarque alors que les ressources allouées dans le passé - il y en a toujours - n'ont pas permis d'éviter l'événement en question.

La réaction a donc été automatique dans le cas de l'itinérant tué par la police au métro Bonaventure, vendredi dernier. Autant les policiers montréalais que les administrateurs municipaux et les représentants des itinérants ont donné le coup d'envoi, dimanche et hier, à une course aux ressources tendant à éloigner le débat de la simple et triste réalité.

Il faut revenir un instant à la ligne de départ.

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Farshad Mohammadi, 34 ans, était un sans-abri marqué par son passé, instable mentalement, usager de la drogue, sujet à des accès de violence. Il avait été sous probation judiciaire, avait joui d'un appartement fourni par un programme fédéral et recevait de l'aide sociale. Il refusait les soins que son état exigeait.

Qu'est-ce qui aurait pu éviter à cet homme une mort aussi tragique?

Les policiers auraient-ils dû être mieux formés? Évidemment! Tous, ils devraient savoir précisément que faire en contexte d'itinérance, de maladie mentale, d'intoxication, de violence conjugale, d'agression envers les aînés, de délinquance adolescente, d'environnement multiculturel, de crimes haineux, de viol - et on en oublie... C'est très révélateur. Ça veut dire qu'on leur demande de plus en plus de rattraper, parfois en situation de vie ou de mort, tout ce que le reste de la société - y compris les «plus de ressources» d'aujourd'hui! - a scandaleusement laissé échapper...

Justement: les urgences des hôpitaux devraient-elles être plus rapides, attentives, humaines et performantes avec les itinérants poqués? Bien entendu! Elles devraient l'être au moins autant qu'elles le sont - n'est-ce pas? - avec les autres malades...

L'État devrait-il assurer à chaque itinérant psychiatrisé (plus ou moins 6000 au Québec) un suivi médical quotidien, un logement supervisé et un emploi en atelier protégé? C'est certain! Mais, disposant de tout cela (ce qui est en soi une délirante utopie), que ferait-on avec ceux qui refuseraient de s'en prévaloir? Les y forcer? On crierait vite au néo-goulag...

On le voit bien: le problème est extraordinairement complexe, y compris sur le plan moral. Et le réflexe du «plus de ressources», outre qu'il est celui d'une belle brochette d'intérêts intéressés, néglige totalement un fait brut, avéré et cruel: le fossé entre la demande et l'offre de ressources étatiques sera toujours abyssal.

Plus cruel encore: même en y mettant la meilleure volonté (et, oui, plus de ressources), on n'évitera jamais tous les maux que l'homme libre s'entête à s'infliger.