La conférence de Bonn sur l'avenir de l'Afghanistan à peine terminée, les chiites afghans subissaient, hier, une forme presque inédite en ce pays de violence de masse: l'attentat sectaire. Deux attentats perpétrés à l'occasion d'une fête chiite ont fait près de 60 morts et 180 blessés à Kaboul et à Mazar-e-Sharif.

C'est la journée la plus meurtrière qu'ait connue Kaboul depuis 2008. Mais plus encore: ce double attentat a marqué le retour en Afghanistan de la haine sectaire, qui s'est matérialisée en Irak, par exemple, en une quantité d'actes de violence ayant fait des milliers de morts; le Pakistan est aussi victime de ce fléau. En Afghanistan, la violence a plutôt été dirigée depuis 2001 contre les étrangers et les services afghans de sécurité.

Les chiites sont minoritaires (20%) dans le pays. Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les talibans, des sunnites, les avaient persécutés, mais ils nient cette fois être à l'origine des attentats.

Quoi qu'il en soit, il est possible qu'il faille considérer ceux-ci comme l'introduction d'une nouvelle géométrie de la haine qui pourrait hypothéquer encore plus lourdement l'avenir du pays.

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En Allemagne, la veille, c'est précisément sur cet avenir que se penchaient les délégués à la conférence de Bonn.

Une soixantaine de ministres des Affaires étrangères se sont - assez vaguement - entendus pour consolider jusqu'en 2024 le support politique et économique accordé à l'Afghanistan. Cette relative constance dans l'effort de la communauté internationale (le Canada s'est lui aussi engagé) peut étonner du fait que l'Afghanistan est devenu un item mineur sur la liste des préoccupations planétaires. Mais, calcule-t-on sans doute, laisser sombrer le pays serait encore plus lourd à porter.

L'année pivot sera 2014, lorsque les troupes internationales se retireront et que l'État afghan devra, non seulement se défendre, mais aussi se donner, à la demande des bailleurs de fonds, une gouvernance plus propre et plus transparente. (Hamid Karzaï ne sollicitera pas de nouveau mandat en 2014, a-t-il assuré.)

Certes, malgré des années noires, il existe des faits justifiant l'optimisme. L'économie croît, tout comme la fréquentation scolaire, la disponibilité des soins de santé, l'accès aux médias et les communications - 60% des Afghans ont maintenant un téléphone portable! Et la violence a diminué... sauf à l'est, près de la frontière pakistanaise.

Justement, à Bonn, ce sont les absents, talibans et Pakistanais, qui ont été les plus remarqués. Or, si les premiers ont largement perdu leurs appuis au sein de la population afghane, les seconds semblent être entrés dans une dangereuse spirale de paranoïa et d'intentions mal définies.

Lorsqu'on en saura plus sur les concepteurs et premiers responsables des attentats d'hier, peut-être cela ajoutera-t-il un élément à la compréhension des desseins des uns et des autres.