Nous choisissons mal nos peurs. Par exemple, la crainte de l'avion est très courante en dépit de sa sécurité avérée. À l'inverse, bon nombre de gens continuent béatement à fumer. Or, en gros, le tabac tue annuellement 10 millions de personnes dans le monde alors que l'avion se contente de 10 000 fois moins de sacrifiés! De la même façon, se pourrait-il que la dangerosité réelle de la violence islamiste soit beaucoup moins grande que la peur qu'elle provoque?

La réponse courte est: ça dépend de l'endroit où vous vivez.

Sur le territoire du quartette Irak-Afghanistan-Pakistan-Somalie, les attentats islamistes ont fait 10 100 morts en 2010. Cela représente les trois quarts des victimes du terrorisme de toutes obédiences recensées dans le monde. Au Canada, au cours de la même année, il s'est produit un seul attentat (l'incendie d'une banque d'Ottawa) et il a été revendiqué par un groupe anarchiste. Aux États-Unis, on en a enregistré deux: le premier était une vengeance personnelle contre l'État et le second, lié à une cause écologiste.

Mais il y a plus étonnant encore et cela concerne l'Europe, berceau du terrorisme moderne.

Sur le territoire de l'Union européenne, les actes de terrorisme inspirés par le nationalisme ou l'anticapitalisme ont été, en 2010, infiniment plus nombreux et meurtriers que ceux liés à l'islamisme. Celui-ci n'a en effet motivé que trois attentats - des attaques peu «professionnelles» qui n'ont pas fait de victimes.

Pour sa part, l'extrême droite européenne classique, c'est-à-dire non liée à l'islamisme, n'a perpétré aucun attentat, ses énergies étant surtout investies dans la propagande sur l'internet.

Par contre, les griefs nationalistes ont été à la source de 160 attentats et l'anticapitalisme (extrême gauche ou anarchisme) en a motivé 45. Les sept Européens tués par la terreur en 2010 l'ont été au nom de l'une ou l'autre de ces deux causes.

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Deux autres faits bruts semblent indiquer que le niveau de peur qu'inspire le terrorisme, en particulier islamiste, dépasse de très loin le risque qu'il présente, à tout le moins en Occident.

D'abord, l'écrasante majorité des victimes de l'islamisme est composée de musulmans, ce qui rend ces attentats particulièrement abjects, mais peu redoutables d'un point de vue occidental. Ensuite, si les États-Unis représentent le «grand Satan» aux yeux non seulement des islamistes, mais aussi des anticapitalistes et de beaucoup de nationalistes radicaux, on semble avoir de la difficulté à leur faire mal. En 2010, seulement 15 civils américains ont été victimes d'actes terroristes dans le monde, dont 13 en Afghanistan.

Bref, s'il faut absolument avoir peur de quelque chose, il vaut mieux cibler la nicotine que l'explosif...