Faut-il se réjouir ou se désoler qu'il ait fallu procéder, ce week-end, au sauvetage de 527 chiens dans un chenil de l'Outaouais, la plus importante opération du genre jamais menée au Canada?

Se réjouir, certainement, parce que les bêtes ont échappé à un sort terrible: la Humane Society International, accourue sur les lieux, a constaté que ces chiens «vivaient dans les pires conditions que notre équipe de sauvetage ait jamais vues».

Mais il faut se désoler, également, parce que l'affaire du Paws R' Us de Clarendon nous rappelle que le Québec a, en cette matière, une désastreuse réputation. La province est la moins bien cotée au pays après le Nunavut, selon l'Animal Legal Defense Fund*. Personne n'a oublié les images monstrueuses prises par la SRC au Berger Blanc, une entreprise sous contrat avec la Ville de Montréal. Ni la torture à la cloueuse pneumatique infligée à des chiens par un homme de la Montérégie, une histoire d'horreur.

Sommes-nous à ce point dénués d'humanité?

Non. Depuis le week-end, des centaines, peut-être des milliers, de personnes ont offert de l'aide, y compris sous forme de bénévolat ou d'adoption, aux gardiens temporaires des chiens de Clarendon. Car ces histoires arrachent le coeur, littéralement.

Or, ce n'est pas qu'une question de sentiments, mais aussi de morale et de reconnaissance.

On discute depuis l'Antiquité de la nature des animaux, parfois vus comme des machines, parfois investis d'un esprit presque humain; laissons tomber ce débat. De même, ne tentons pas pour l'instant de régler le cas de la création entière, de l'amibe à la baleine. Ou de déterminer le degré de cruauté qu'il y aurait à être fermier industriel, laborantin, gardien de zoo... ou simplement carnivore.

Les animaux de compagnie - chats et chiens, surtout - appartiennent en effet à une catégorie à part.

Ils ont une histoire plusieurs fois millénaire de cohabitation avec les humains, ce qui leur donne un statut particulier. Et ce, non seulement en raison des services rendus, la présence et l'affection n'étant pas les moindres. Mais aussi parce qu'ils ont graduellement évolué pour se mouler à leur rôle de compagnons de route de l'espèce humaine, ont sacrifié leur autonomie pour devenir dépendants et peuvent de ce fait éprouver une forme de souffrance psychologique étrangère aux autres bêtes.

Bref, si le coeur ne suffit pas, une certaine droiture morale impose de les respecter et de les protéger.

*Une nouvelle réglementation, plus stricte, sur les animaux de compagnie a été rédigée et soumise à la consultation par le gouvernement du Québec, dont les intentions à ce sujet devraient être connues au cours des prochains jours.