Au seuil de la rentrée, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, annonce qu'elle se préoccupera du décrochage scolaire, surtout chez les garçons. Quoi de neuf dans ce constat, qu'on faisait à l'identique il y a cinq ou dix ans? Voici: on a laissé tomber la «persévérance» scolaire qui avait remplacé le «décrochage». Plus facile de changer le mot que la réalité, bien sûr... Dommage tout de même: la «persévérance», ça vous avait un petit air optimiste et guilleret.

Quoi de neuf encore?

Les futurs professeurs ayant beaucoup de mal à maîtriser le français, on va donner une chance à ces malheureux, apparemment forcés de connaître des mots aussi bizarres que «harasser» ou «indigent». S'ils échouent le test une, deux, trois, quatre fois, ils pourront s'y soumettre une cinquième fois... ou suivre un crash course en français. Telle est l'entente entre la CREPUQ, le MEQ et le CÉFRANC sur le TECFEE*, vous voyez bien que ça a du sens...

Que dire?

Le décrochage en éducation est l'équivalent de la salle d'urgence en santé: personne ne croit plus que le problème puisse être un jour réglé. Et l'ignorance qui infecte les institutions d'enseignement est le pendant des maladies nosocomiales dans les hôpitaux: que voulez-vous, on n'y peut rien...

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La situation en éducation s'est-elle détériorée à ce point? Beaucoup le nient - ils sont en général liés à l'État et brandissent des statistiques rose bonbon. Mais quiconque va à l'école, ou y enseigne, ou a des enfants qui y vont, sait que les choses ne sont pas de cette couleur-là.

Qui blâmer? Voilà l'affaire.

La ministre? Il est admis que tout ministre de l'Éducation est rapidement mis au pas par sa bureaucratie. La bureaucratie, justement, y compris les pédagogues réformeux et les antédiluviennes commissions scolaires? Cause toujours, mon lapin: ces monuments-là sont inamovibles et enduits de téflon. Les professeurs? Ils font plus que leur possible ou, désespérés, vivent chaque jour une petite mort. Les jeunes? Ils nous irritent, certes, mais ils n'ont pas inventé la culture youtu-faceboo-twitterisatrice de la pensée courte et du culte du moi qui les hypnotise et les broie.

Serait-ce la «fatigue» québécoise?

Toujours est-il qu'on entend la ministre de l'Éducation et qu'on se dit: cette fois, peut-être est-ce que ça marchera... sans y croire le moindrement, bien sûr. C'est comme pour les urgences. Ce que, par nécessité, le Québec est aujourd'hui en train de réinventer, c'est le fatalisme, rien d'autre.

* Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Ministère de l'Éducation du Québec. Centre d'évaluation du rendement en français écrit. Test de certification en français écrit pour l'enseignement.