Quelle arme de destruction massive est-elle plus meurtrière que la famine? C'est la question qui finit par se poser lorsqu'on contemple, au fil des heures, le déroulement de la catastrophe humanitaire sévissant dans la Corne de l'Afrique, surtout en Somalie. Elle pourrait tuer 12 millions d'êtres humains.

Douze millions.

Dernière péripétie: à Mogadiscio, des combats à l'arme lourde entre forces de paix africaines et milices islamistes ont débuté... dès l'instant où a atterri le premier avion apportant dix tonnes de vivres aux populations réfugiées dans et autour de la capitale.

Les affrontements se poursuivaient, hier.

Les milices affiliées à Al-Qaïda, les shebab, contrôlent la plus grande partie du territoire somalien et presque la moitié de Mogadiscio. (Une vingtaine de Canadiens se sont joints à elles, selon Ahmed Hussen, président du Congrès somalien au Canada.)

En 2009, ces milices ont chassé les ONG. Après avoir songé à faire volte-face, il y a dix jours, elles sont revenues à la ligne dure: elles n'admettront que Médecins sans frontières.

Cette situation complique la distribution des secours dans d'autres pays (Éthiopie, Djibouti) où la famine menace aussi. Ainsi qu'au Kenya, où les Somaliens se réfugient par centaines de milliers dans des camps maintenant sujets au choléra. Et, pour finir, personne ne peut garantir que l'aide internationale ne sera pas détournée...

Bref, c'est la totale, comme on ne l'avait pas vue depuis un quart de siècle.

Les fous de dieu, eux, nient la famine. Et expliquent leur blocus par le fait que les ONG sont des «taupes» du gouvernement, de l'ONU, des États-Unis, etc. Ou font du prosélytisme afin de détourner d'Allah les malheureux Somaliens! En réalité, ils craignent de perdre le contrôle sur des populations qu'ils terrorisent, soumettent à la charia, rançonnent, enrôlent de force et s'apprêtent maintenant à tuer par la faim.

Dieu n'est pas grand (selon le titre du monumental ouvrage de Christopher Hitchens) pour les peuples les plus mal pris de la planète.

Que faire alors?

D'abord: savoir que la sécheresse est en elle-même une catastrophe de première grandeur. À court terme, il faudrait 1,6 milliard$US supplémentaires pour affronter ses conséquences.

Ensuite et surtout: il nous faudra, nous qui voyons le fascisme partout sauf là où il existe, ajuster notre vision. Et décider comment, à long terme, nous pourrons aider cette région à se débarrasser elle-même d'une extrême droite quasi génocidaire, condition essentielle à sa survie.

Ce sera difficile. Mais si le problème n'est pas clairement nommé, ce sera impossible, tout simplement.

mroy@lapresse.ca