Depuis quelques années, quels efforts le gouvernement Charest n'aura-t-il pas déployés pour éteindre en douce les feux allumés par le retour en force de la religion dans l'espace public! En vain, bien sûr. On le comprend maintenant: le Québec devra un jour ou l'autre adopter une position tranchée sur la place de la religion - et sur le coupe-feu que constitue la laïcité des institutions.

Or, spéculant sur une sortie de crise praticable, peu de documents ont été aussi lumineux que le récent avis du Conseil du statut de la femme. Purgé des concepts ruinés par un usage inconsidéré («interculturalisme» et autres «laïcité ouverte»...), l'avis dit essentiellement trois choses fort simples, en effet.

Un: la laïcité de l'État doit être proclamée de façon officielle. Le Conseil suggère de le faire par amendement à la Charte québécoise des droits et libertés, plutôt que d'en bricoler une autre exclusivement vouée à encadrer le fait religieux.

Deux: il ne doit y avoir aucun lien entre l'État et la religion. Pas de commandite, soit par congé de taxes, soit par subvention directe. Pas de symboles ou de rites religieux dans les lieux de pouvoir (crucifix ou prière, Assemblée nationale ou conseils municipaux). Pas d'affichage ostentatoire par les fonctionnaires de l'État d'une préférence personnelle pour l'un ou l'autre dieu.

Trois: l'école ne doit pas faire la promotion de quelque entreprise religieuse, ni même de la foi en tant que telle. Le cours d'Éthique et culture religieuse, tellement décrié, doit être aboli. La connaissance historique du fait religieux relève en effet du cours d'histoire. L'éthique n'a rien à voir avec la foi. Et les 24% de Québécois (34% chez les 18-34 ans) qui ne croient pas composent une «minorité» qui a des droits, elle aussi, notamment destinés à protéger ses enfants.

Le Conseil du statut de la femme revendique la laïcité au nom de l'égalité des sexes. C'est son rôle. Et il est exact que les femmes ont toujours été les premières victimes des dieux. Ce serait toutefois une erreur de mener le combat strictement à partir de cette plateforme: l'affaire concerne tout le monde et l'enjeu est plus vaste.

La nouvelle vigueur prosélyte et revendicatrice des religions touche toutes les sociétés occidentales, aucune ne réagissant de façon parfaitement adéquate. La société québécoise fait-elle mieux ou pire que les autres? Elle affronte des problèmes moins lourds que les sociétés européennes. Malgré cela, elle vasouille davantage, nage dans les mots, craint encore les clergés, cherche son courage.

Or, ce n'est plus de pompiers timorés que le Québec a besoin, mais de bâtisseurs forts, capables de travailler sur le réel. À leur intention, le Conseil du statut de la femme a déposé d'assez bons plans.

mroy@lapresse.ca