Dans Le Cinquième cavalier, le thriller du tandem Lapierre-Collins publié en 1980, une menace nucléaire commande l'évacuation de Manhattan. Mais si on essaie, prévient la mairie, les New Yorkais vont se battre à l'entrée des ponts, des tunnels et du métro. Ils vont tuer, piller, vandaliser, arnaquer. Leurs leaders vont fuir plutôt que d'assumer leurs responsabilités...

Dans Le Cinquième cavalier, le thriller du tandem Lapierre-Collins publié en 1980, une menace nucléaire commande l'évacuation de Manhattan. Mais si on essaie, prévient la mairie, les New Yorkais vont se battre à l'entrée des ponts, des tunnels et du métro. Ils vont tuer, piller, vandaliser, arnaquer. Leurs leaders vont fuir plutôt que d'assumer leurs responsabilités...

Bien sûr, il s'agissait d'une fiction.

Mais, trois ans plus tôt, une simple panne d'électricité avait bel et bien provoqué 15 heures d'émeute et de pillage ainsi que 4000 arrestations!

Ailleurs, les cataclysmes ayant affligé la Nouvelle-Orléans en 2005 et Haïti en 2010 ont donné lieu à des débordements meurtriers et des désertions au sein des forces de l'ordre. Au Québec, nos malheurs beaucoup plus modestes, le «déluge» de 1996 et le verglas de 1998, ont par contre été vécus dans une relative sérénité, seules des hausses subites du prix de biens essentiels trahissant l'hommerie...

Qu'est-ce donc qui agit en temps de crise pour, dans un cas, transformer un lieu civilisé en champ de bataille ? Et, dans un autre, susciter au contraire des comportements disciplinés, généreux, altruistes?

On l'a dit: les Japonais, affligés par une triple catastrophe, séisme, tsunami, menace nucléaire, donnent au monde une leçon de dignité et de solidarité.

Aucun pillage. Des prix non pas augmentés, mais réduits, sur certaines nécessités. Un calme presque zen. Peu de récriminations. Parfois de l'héroïsme: celui des «50 de Fukushima», ces techniciens (en réalité plus nombreux) qui demeurent en poste autour des réacteurs, quitte à y laisser leur santé, sinon leur vie.

Pourquoi?

Est évoquée une culture millénaire d'extrême dévotion à la communauté, de raffinement dans les rapports humains, de respect de l'autorité - même si personne n'est dupe des mensonges et omissions. Bravant aujourd'hui la destruction et la mort, les Japonais s'étonnent d'ailleurs eux-mêmes. Depuis des années, entre une économie poussive et le coup de vieux de la nation, les humeurs dominantes étaient plutôt la morosité et un vague ressentiment.

Or, dans l'horreur, l'espoir renaît, constate l'auteur à succès Ryu Murakami, pourtant le chantre de la désillusion nippone: «Malgré tout ce que nous avons perdu, l'espoir nous est redonné à nous, Japonais. Aujourd'hui, je choisis de croire.» Ce sentiment semble dominer chez les intellectuels. «La nation japonaise se voit aujourd'hui de façon plus positive qu'au cours des 20 ou 30 dernières années», écrit l'auteur et professeur Hiroki Azuma (dans le New York Times).   

C'est un vieux cliché que cette image de la renaissance dans la ruine, du salut par le malheur. Pourtant, ça existe. Les Japonais eux-mêmes ont vécu une telle chose à partir de 1945, après que l'atome eut, non pas menacé, mais tué massivement.

Ils avaient choisi de croire, cette fois-là aussi.