Il y a un an, l'ex-gourou Roch «Moïse» Thériault a fait parvenir au quotidien Le Soleil une lettre de 18 pages dont l'intention était clairement de se repositionner sur la place publique en y endossant la défroque de la victime.

Âgé de 63 ans, en mauvaise santé, abandonné par ceux qui furent (tragiquement) ses proches, détesté de ses codétenus, sentait-il venir la fin? Après plus de 20 ans de pénitencier, songeait-il à obtenir une libération conditionnelle? Ou souhaitait-il simplement faire un dernier tour de piste afin de satisfaire l'insatiable orgueil animant tous les élus d'un dieu, tous les prêcheurs, tous les illuminés?

Quoi qu'il en soit, sa lettre aura été pour lui une sorte de dernière scène, avant d'être assassiné derrière les barreaux comme il semblait le redouter.

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Tout a été dit et écrit sur Thériault, personnage central d'un film, de plusieurs livres, de procédures judiciaires hypermédiatisées. Et surtout, bien entendu, d'une tragédie humaine inconcevable de cruauté et de douleur. Que retient-on de tout ça, puisque les sociétés sont supposées tirer des leçons de leurs expériences, bonnes ou mauvaises?

Peu, hélas!

Au Québec et dans le monde, le nombre de sectes ou de «nouvelles religions» serait toujours en augmentation: il y en aurait plus ou moins 2000 ici, entre 50 000 et 100 000 dans le monde. Sans parler de la question toujours irrésolue: où se trouve la frontière entre secte et religion? Ainsi, le haut de gamme du phénomène est l'Église de scientologie, classée comme une religion au Québec, comme une secte en France. Et Roch Thériault aura incarné l'absolu bas de gamme, adaptant les premières lumières reçues chez les Adventistes du Septième jour à l'exercice d'une tyrannie sadique et meurtrière.

Dans tous les cas, le facteur crucial est la foi, ou la crédulité, une ressource renouvelable et à l'épreuve du réel.

Depuis des millénaires, en effet, on ne compte plus les grands récits fondateurs, religieux ou sectaires, dont l'ésotérisme extrême n'a pas compromis le succès. Et n'ont jamais cessé de sévir des personnages charismatiques qui, même dans l'horreur, ont su enjôler et enrôler: souvenez-vous des 900 morts de Jonestown...

On serait rassuré de savoir que l'éducation et le positionnement social protègent de l'attraction qu'exerce la promesse d'un quelconque paradis, sur terre ou dans l'au-delà. Mais ce n'est pas le cas: souvenez-vous de l'Ordre du Temple solaire et des cadres d'Hydro-Québec...

Cela étant, que peut-on espérer? Il faut être modeste. Et simplement tenter d'implanter l'idée que la relation entre le commun des mortels et le démarcheur de l'un ou l'autre dieu, ancien ou flambant neuf, devrait reposer sur le même principe que la relation entre l'épargnant et le conseiller financier.

Ce principe tient en une phrase: si ça semble trop beau pour être vrai, c'est que ça ne l'est pas.