Dans une adresse à la nation et au monde livrée sur un mode mégalomane et halluciné, Mouammar Kadhafi a juré, hier, qu'il demeurerait fidèle à son poste de Guide de la Révolution, prêt à «combattre jusqu'à la dernière goutte de sang».

Dans une adresse à la nation et au monde livrée sur un mode mégalomane et halluciné, Mouammar Kadhafi a juré, hier, qu'il demeurerait fidèle à son poste de Guide de la Révolution, prêt à «combattre jusqu'à la dernière goutte de sang».

Campé devant un décor postmoderne (apparemment, celui de sa résidence de Tripoli), il a parfois eu les mêmes accents de défiance mêlée de désespoir que le président égyptien Hosni Moubarak apparaissant à la télé d'État, 12 heures avant de démissionner. Et, comme Moubarak encore, il a attribué à l'action d'une main étrangère les soulèvements dans son pays.

Mais cette main étrangère est certainement plus lourde à Tripoli qu'au Caire: elle a en effet «lavé le cerveau» des jeunes Libyens et leur a fourni des «drogues» pour les pousser à imiter les rebelles tunisiens ou égyptiens...

Kadhafi, en somme, aura étonné jusqu'à la fin!

* * *

Néanmoins, est-ce que, au Yémen ou à Bahreïn, au Maroc ou en Tunisie, on ne considère pas aussi l'«étranger» comme responsable des malheurs locaux?

Et l'Occident n'a-t-il pas tendance à se blâmer lui-même pour le manque absolu de démocratie dans ces nations? Pour leur scandaleuse richesse lorsqu'elles sont riches et leur insupportable pauvreté lorsqu'elles sont pauvres (les deux existant à des degrés extrêmes de l'Arabie Saoudite au Yémen)?

De fait, on connaît la théorie de l'«enfant de chienne» attribuée à F.D. Roosevelt et qui va comme suit: ce dictateur (insérez un nom) est «un enfant de chienne, mais c'est notre enfant de chienne»! Cela correspondait à un souci, celui de la stabilité, dont le bilan est aujourd'hui contesté. Ainsi, Moubarak aura certainement joué ce rôle. Mais cela n'a pas agi dans tous les pays arabes: leurs misères ne relèvent évidemment pas toutes de la perfidie de l'«étranger».

D'ailleurs, les intellectuels arabes eux-mêmes ont abandonné cette attitude depuis 10 ans. Depuis, en fait, qu'ils ont collaboré au début des années 2000 à la rédaction, sous l'égide de l'ONU, du premier Rapport sur le développement humain du monde arabe. Ces penseurs prévenaient alors: rien ne sera possible pour nous si nous ne restaurons pas la liberté, si nous ne développons pas le savoir, si les femmes ne deviennent pas de véritables citoyennes (ils avaient cependant pudiquement ignoré le rôle crucial de la religion).

C'est encore plus vrai 10 ans plus tard.

Aujourd'hui, à la condition que quelques-unes de ces nations mettent la main sur des outils à peu près démocratiques, ce qui est loin d'être sûr, leur véritable révolution devra être celle du passage à l'âge adulte, celui de l'initiative et de la responsabilité.