Une telle chose que la démocratie par contagion est-elle possible? C'est cet argument qu'avait utilisé George W. Bush au moment de renverser le régime de Saddam Hussein, l'Irak libéré étant destiné à devenir le phare politique du monde arabe. Ça ne s'est pas produit, bien sûr: la démocratisation par le char d'assaut est en effet l'ultime oxymoron!

Une telle chose que la démocratie par contagion est-elle possible? C'est cet argument qu'avait utilisé George W. Bush au moment de renverser le régime de Saddam Hussein, l'Irak libéré étant destiné à devenir le phare politique du monde arabe. Ça ne s'est pas produit, bien sûr: la démocratisation par le char d'assaut est en effet l'ultime oxymoron!

Aujourd'hui, en Tunisie, les événements sont très différents.

C'est la rue, la vraie «rue arabe», pour l'instant contaminée ni par l'extrême droite islamiste ni par quelque sous-agenda sectaire ou tribal, qui a renversé un régime autoritaire, corrompu et kleptomane. C'est la rue qui a imposé une succession intérimaire conforme à la constitution: samedi, le président du Parlement, Foued Mebazaa, a pris les rênes après que le régime agonisant eut tenté d'imposer le premier ministre du dictateur en fuite.

C'est la rue, en somme, qui a initié et conduit cette «révolution du jasmin», improbable il y a à peine quelques semaines. Laquelle révolution est encore très incertaine: hier, les arrestations, les désordres, les pillages, les affrontements armés entretenaient le doute sur ce qui attend la population dans les jours qui viennent.

Néanmoins, l'onde de choc a été ressentie dans toute la région, semant l'inquiétude dans quelques palais.

Assez comiquement, c'est Mouammar Kadhafi, l'impayable leader libyen (lui-même en poste depuis 41 ans!), qui a le premier exprimé sa «peine» devant la «révolution bolchévique» (sic) ayant entraîné la chute du président Zine el-Abidine Ben Ali...

Mais c'est en Égypte, en Jordanie et au Yémen que des manifestations ont eu lieu sur le modèle tunisien. Sans compter qu'à Montréal même, des Algériens se sont joints aux manifestations de solidarité. Au Caire, on a scandé «Moubarak, le suivant!» devant l'ambassade de la Tunisie. À Sanaa, des milliers d'étudiants ont porté des banderoles appelant le «changement pacifique et démocratique (pour) un nouveau Yémen».

Encore une fois, ce sont les réseaux sociaux, et en particulier Facebook, qui sont au centre de l'affaire.

Au moyen de ce véhicule, l'image du jeune Mohamed Bouazizi, qui s'est immolé par le feu, a été transformée en une icône nationale, puis internationale. «Les Arabes se sont identifiés à ce jeune Tunisien parce que ses problèmes, le chômage, la corruption, l'autocratie, le déni des droits humains, sont les problèmes de tous. Toute la région souffre d'un déficit de dignité», décrit Roger Hardy, analyste à la BBC.

Parlant à Doha, au Qatar, il y a quelques jours, la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, avait prédit la rébellion si les potentats arabes - qui, selon ses mots, ne font que «s'enfoncer dans le sable» - refusaient les réformes économiques et politiques.

Se doutait-elle que le pouvoir tunisien, le premier, allait quelques heures plus tard être complètement enseveli?