Comme le notera tout pessimiste qui se respecte, l'humanité s'est encore une fois signalée en 2010 par son... inhumanité. Et la nature elle-même a vicieusement réservé ses pires catastrophes aux populations les plus miséreuses - aux Haïtiens, par exemple, accablés par le séisme et l'épidémie. Cependant, si la nature est irrationnelle et imprévisible, les humains, eux, peuvent se montrer intelligents, conséquents, courageux, magnanimes et ouverts.

En 2010, deux événements de fabrication humaine ont, davantage que les autres, injecté du sens dans l'Histoire qui s'écrit.

Quelle extraordinaire quantité de détermination, d'énergie et de compétence technique a été déployée autour des 33 mineurs emprisonnés sous terre, en août, au Chili. Lesquels, après 69 jours, ont été remontés à la surface, un à un, dans une capsule digne de la science-fiction.

Contemplant ce quasi-miracle, on peut s'émerveiller devant la prouesse multinationale que fut l'opération de sauvetage. S'émerveiller aussi devant la discipline et la foi en leurs semblables des mineurs eux-mêmes, parfaites incarnations de ce qu'on appelle le «monde ordinaire», parfois capable de l'extraordinaire.

L'autre grande singularité de 2010 aura été l'exceptionnelle distance franchie par les technologies de la communication. Tant du côté des contenants que des contenus, en effet, les progrès de l'informatique appliquée ont, cette année, modifié la nature même de ces outils ainsi que leur impact sur la vie en société.

Côté contenus, l'année a été celle de l'accession à la maturité des pionniers du réseautage social: avec ses 500 millions d'utilisateurs, Facebook demeure le modèle d'un nouveau type de relations humaines.

Cette technologie répond à un besoin quasi animal de l'espèce, offrant à l'individu un village virtuel gérable dont la dimension idéale serait, comme à l'âge de pierre, une tribu de 150 «amis» ! Bref, c'est en même temps très ancien et radicalement neuf. Et c'est exceptionnel. Par comparaison, WikiLeaks n'a apporté aucun progrès qualitatif et durable à l'environnement virtuel. De sorte que, par fanclubisation médiatiquement assistée, Julian Assange, le Divulgateur, se trouve graduellement réduit en «personnalité tabloïd» célèbre en raison de sa célébrité, un peu comme Paris Hilton.

Côté contenants, 2010 aura été l'année de la tablette électronique, événement officialisé par l'apparition de l'iPad d'Apple. Pendant ce temps, le Kindle, un pionnier, devenait l'objet le plus vendu de l'histoire d'Amazon.

Comme le réseautage social, la tablette électronique est plus qu'un gadget. Cet instrument ne ressemble ni ne se manipule comme un ordinateur, mais évoque plutôt les tabulae romaines, le doigt agissant comme un stylet! Il connecte confortablement l'utilisateur, où qu'il soit et sans machinerie lourde, au présent et au passé, aux bavardages en temps réel ou à la culture ancienne.

Comme toutes les grandes inventions, la tablette électronique est parfaitement adaptée à la fois à l'utilisateur et à l'usage. Ce qui, là encore, est exceptionnel.

De la mine chilienne au comptoir d'Apple, l'année écoulée nous aurait donc fait pénétrer un peu plus avant dans le... meilleur des mondes?

Bien sûr que non.

Pour chacun de ces événements, il existe un revers de la médaille (évoqué dans le Blogue de l'édito, sur Cyberpresse). Il faut connaître ce côté sombre, mais pas s'en enivrer de désespoir. «Le ciel nous préserve des optimistes!» a un jour titré Le Monde diplomatique... lequel, il est vrai, n'est pas précisément réputé pour offrir une vision jovialiste de la société et de la vie!

Or, ce qu'il faut au contraire, c'est que le ciel préserve les optimistes. Et les innovateurs. En 2011, on aura encore besoin d'eux.

mroy@lapresse.ca