Des malades remettent à des médecins québécois des «enveloppes brunes» (comme il s'en passe apparemment autour des hôtels de ville et des chantiers de construction !) afin d'être soignés plus rapidement. Ou de s'assurer la présence du médecin soignant lors d'un accouchement.

Des malades remettent à des médecins québécois des «enveloppes brunes» (comme il s'en passe apparemment autour des hôtels de ville et des chantiers de construction !) afin d'être soignés plus rapidement. Ou de s'assurer la présence du médecin soignant lors d'un accouchement.

On ne connaît pas l'ampleur du phénomène. Mais le quotidien The Gazette, qui a déterré l'affaire, dépeint une pratique suffisamment courante pour qu'il soit possible d'établir une «grille des tarifs»: ils iraient de 2000$ à 10 000$. Quelques hôpitaux ont été pointés du doigt et des médecins avouent avoir reçu de telles offres. Autant le Collège des médecins que la Fédération des médecins spécialistes du Québec ont condamné ce trafic «dégoûtant, scandaleux et indéfendable», selon les mots de Gaétan Barrette, président de la FMSQ.

De toutes les façons imaginables d'administrer une liste d'attente, celle fondée sur la corruption est certainement la plus immorale.

Soviétique.

De fait, il n'y a pas d'autre mot pour décrire un tel système s'il s'avère qu'il est relativement courant. Soviétique, comme dans: dépendre totalement de l'État; faire interminablement la queue; soudoyer le boucher, le professeur, le fonctionnaire, le docteur; recevoir un traitement de faveur. Et devoir composer avec l'injustice immanente.

Pourquoi ça, ici? Parce que, en matière de soins de santé, nous sommes soviétiques!

Le Canada est le seul pays au monde (avec la Corée du Nord et Cuba, dit-on toujours, mais il faudrait vérifier s'ils sont vraiment aussi mal pris...) à interdire à ses citoyens de contribuer directement au coût des soins. Or, c'est bien mal connaître la nature humaine que de croire que le citoyen autorisé par l'État à acheter des bébelles renoncera à payer, ou à tenter de le faire, lorsque sa santé sera en jeu! Ri-di-cu-le! Pour l'écrasante majorité des gens, la santé et les enfants sont en effet les priorités ultimes et non négociables. Si l'État ne soigne pas (et n'instruit pas les enfants) comme il y est obligé en vertu d'un contrat social implicite, tout camarade... pardon... tout citoyen recourra au système D.

Et on ne parle pas ici du «riche», cet increvable Bonhomme Sept-Heures des fables égalitaristes: celui-là se fait déjà soigner aux États-Unis (et envoie ses enfants dans de véritables grandes écoles). Non: on parle de la classe moyenne. Celle qui paie déjà le prix fort pour nourrir l'État, mais qui se serrera encore davantage la ceinture s'il le faut pour obtenir des soins (ou de l'instruction).

La magouille des «soins sous la table» doit cesser? Bien sûr! Il y a deux solutions. Un: punir les magouilleurs, y compris ce cancéreux «oublié» que l'on pourra verbaliser sur son lit de mort. Ou deux: soigner le système de soins... ce qui demanderait de l'audace.

Or, il y a longtemps que le Québec n'en a plus.