Dans la longue liste des conflits auxquels on ne voit pas de solutions simples, celui entre la Corée du Nord et - à toutes fins utiles - le reste de la planète occupe une place de choix. Hier, de Séoul à Washington, le mot d'ordre était: restons calmes. Mais ça ne pourra pas durer toujours, en particulier si le régime de Kim Jong-il récidive en jetant une nouvelle fois des bombes sur des civils sud-coréens.

On contemple ici dans toute sa splendeur la difficulté qu'il y a à composer avec un État non pas voyou, mais carrément mafieux. Et gouverné de façon imprévisible par une oligarchie disposant de l'arme atomique - rudimentaire, certes, mais en phase accélérée de développement et dont on ignore le potentiel réel.

Vu de Pyongyang, l'ennemi est à portée de canon, comme ça a été pesamment rappelé, mardi. La région est depuis 50 ans une poudrière. Et on devine une Chine de plus en plus déchirée entre ses liens avec le dernier régime communiste pur et dur de la planète et les obligations morales croissantes découlant de son adhésion de facto au capitalisme mondialisé!

Ce qui ne manque pas de sel...

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Que va-t-il se passer?

À court terme, rien. À moins de dérapage subit. Et mis à part, bien sûr, l'agitation symbolique des manoeuvres navales et autres déploiements d'unités de défense.

À moyen terme? Si, en catapultant 80 obus sur une île habitée par des civils sud-coréens, Pyongyang a haussé le ton, le propos, lui, demeure le même. Il est double. À l'intérieur: une manifestation de force de la plus imposante armée du monde au pro rata de la population, laquelle -au prix que ça coûte! - se voyant ainsi «rassurée»... Et à l'intention de l'étranger: le chantage habituel destiné à obtenir des compromis, du pétrole, des vivres et de la considération. Le racket, en somme.

Évidemment, à long terme, c'est intenable.

Quelque 20% des 23 millions de Nord-Coréens souffrent de la faim... lorsque les récoltes sont bonnes. Le pays, vidé de son sang par la cour et par l'armée de Kim Jong-il, ne peut plus vivre sans aide extérieure: il a besoin cette année d'un apport de 865 000 tonnes de nourriture. Enfin, la solidité de la seule monarchie communiste de l'Histoire n'est pas avérée, l'accession au trône de l'héritier désigné, Kim Jong-un, pouvant se révéler houleuse...

Un jour, il appartiendra principalement à la Chine d'encadrer chez ses voisins la fin d'une dynastie et la mise en place d'un appareil d'État, sinon démocratique, à tout le moins à peu près décent. Cela étant, est-ce que chaque hoquet plus ou moins violent de ce régime exsangue ne pourrait pas être, pour Pékin, l'occasion de préparer ce jour? Discrètement, à petits pas, en se souciant de la sécurité régionale?

Fondamentalement, c'est son devoir. Et c'est ce sur quoi le monde devrait pouvoir compter.