Tentant de justifier méthodiquement ses décisions mêmes les plus contestables, escamotant parfois des épisodes qui le rendent sans doute inconfortable, George W. Bush publiait, mardi, ses mémoires. Un million et demi d'exemplaires de Decision Points (Instants décisifs) ont été mis en marché. C'est évidemment énorme; cependant, il faut savoir que Sarah Palin a écoulé en 2009 quelque 2,7 millions d'exemplaires de ses propres souvenirs!

Tentant de justifier méthodiquement ses décisions mêmes les plus contestables, escamotant parfois des épisodes qui le rendent sans doute inconfortable, George W. Bush publiait, mardi, ses mémoires. Un million et demi d'exemplaires de Decision Points (Instants décisifs) ont été mis en marché. C'est évidemment énorme; cependant, il faut savoir que Sarah Palin a écoulé en 2009 quelque 2,7 millions d'exemplaires de ses propres souvenirs!

Mais peu importent les chiffres.

Plus important, le bouquin donne une clé de la Maison-Blanche telle qu'elle fut pendant les dures années qui ont suivi le 11 septembre 2001. Et telle qu'elle fut animée par l'homme pour lequel l'histoire pourrait ne pas être très tendre...

Si on y prête attention, quelques chapitres racontent aussi comment un chef d'État peut marcher à petits pas vers l'autoritarisme - sans parvenir jusque-là, heureusement, dans le cas qui nous occupe. Et effectuer ce dangereux périple sans s'en rendre compte, pour ainsi dire, et en toute bonne foi... ce qui donne littéralement froid dans le dos.

D'autres chefs d'État ont suivi un cheminement similaire, celui consistant à s'accaparer de pouvoirs toujours plus grands et à contourner au besoin les contre-pouvoirs : parmi les plus récents artisans de cette sorte, on peut identifier le Vénézuélien Hugo Chavez, par exemple.

* * *

Mais revenons à George Bush.

À aucun moment dans Decision Points, il ne doute de la nécessité qu'il y avait à donner aux forces de l'ordre chargées de la lutte au terrorisme des pouvoirs alarmants. Écoute électronique et intrusions diverses (dans les archives des bibliothèques, par exemple, on s'en souvient). Détention à caractère particulier (ce qui allait conduire à Guantánamo). Justice militaire d'exception. Quasi torture, dont la noyade simulée (waterboarding) est l'icône.

Au sujet de cette dernière technique qu'il avoue sans détour avoir autorisée, Bush écrit (notre traduction): «J'aurais préféré que nous puissions obtenir l'information par d'autres moyens. Mais il fallait choisir entre la sécurité et les valeurs morales. Si je n'avais pas autorisé que de hauts gradés d'Al-Qaïda soient soumis à la noyade simulée, j'aurais dû accepter que le pays soit plus à risque d'être attaqué. Après le 9/11, je ne voulais pas prendre ce risque.»

En mars 2003, l'opération irakienne relèvera de la même totale assurance qu'avait le président Bush d'être toujours dans son bon droit. Aujourd'hui encore, il n'en démord pas, écrivant pour la postérité: «Une chose est indéniable: après le cauchemar du 11 septembre, sept ans et demi se sont écoulés sans que l'Amérique subisse une nouvelle attaque terroriste réussie sur son sol. Si j'avais à résumer ma plus grande réalisation en tant que président en une phrase, ce serait celle-là.»

Exact. Mais on ne saura jamais avec certitude si George W. Bush aurait pu obtenir le même résultat en conciliant sécurité et valeurs morales.Chose sûre, ça aurait été de loin préférable.