Il n'y a rien d'étonnant à ce que les dernières tentatives d'attentats islamistes émanent du Yémen, un pays survivant depuis des années à la limite de l'écroulement: économie anémique, guerre civile et agitation sécessionniste, fiefs tribaux, corruption, État faible.

Ainsi, c'est au Yémen que fut perpétré il y a plus de 10 ans l'attentat contre le USS Cole, un événement précurseur de ce qui allait suivre.

En 2008, un attentat touchait l'ambassade américaine à Sanaa. En 2009, naissait Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), fusion des terreurs saoudienne et yéménite. La même année, un attentat d'origine yéménite visait le chef de la sécurité intérieure saoudienne. C'est encore au Yémen (terre ancestrale de ben Laden) que fut préparé, fin 2009, l'attentat au slip explosif contre un vol à destination de Détroit. Et le pays est le refuge de l'imam Anwar al-Awlaki, lié à deux des terroristes du 9/11 ainsi qu'au major Nidal M. Hasan, le tireur de Fort Hood.

Aussi, surtout après l'épisode des imprimantes piégées de FedEx et de UPS, il y aurait aujourd'hui presque autant de raisons pour intervenir militairement au Yémen qu'il y en avait, en 2001, pour le faire en Afghanistan.

Seulement voilà: on sait plus de choses en 2010. Dont ceci: on ne vaincra pas le terrorisme islamiste au moyen de l'artillerie lourde. Et accessoirement: accroître jusqu'à l'absurde les mesures de sécurité autour du transport aérien est largement inutile.

Pourquoi les tentatives d'attentat de la semaine dernière ont-elles été déjouées, en effet?

Ni la force de frappe militaire ni les contrôles aéroportuaires, peu élaborés pour ce qui est du fret, n'y sont pour quoi que ce soit. Ce qui a fonctionné, c'est le renseignement. Et qui plus est, le renseignement saoudien... un renseignement «de proximité», pour ainsi dire.

Certes, l'attitude de l'Arabie Saoudite n'a pas toujours été très nette en cette matière. Cependant, ce pays craint la terreur qui origine du Yémen, avec lequel il partage une frontière commune de 1500 kilomètres. Et il lui alloue d'importants subsides à la sécurité (300 millions US par année), y entretenant aussi un important appareil de renseignement.

En fin de semaine, le président du Yémen, Ali Abdallah Saleh, a réitéré son engagement à lutter contre le terrorisme, ajoutant: «Mais nous ne permettrons à personne de s'ingérer dans nos affaires intérieures.» Ce que ça veut dire au juste n'est pas clair - sinon qu'il vise les Américains, qui ont récemment opéré sur son territoire.

Ce qui est clair, cependant, c'est qu'on n'arrivera à rien au Yémen sans l'implication franche et entière des différents pouvoirs qui s'y exercent. Exactement comme en Afghanistan ou au Pakistan. Ou peut-être, demain, dans quelque autre État plus ou moins failli qui serait squatté par des cellules de la terreur islamiste.

mroy@lapresse.ca