Depuis 10 jours, le monde est occupé à tirer des leçons de la crise grecque; à évaluer les chances de survie de l'euro; à revoir à la baisse les espoirs placés dans la grande Europe. Que la déconfiture d'une nation à l'économie aussi modeste (2,6% du PNB total de la zone euro) fasse trembler la planète est incompréhensible si on ne réalise pas à quel point, même en période de stabilité, cet assemblage continental est hétéroclite et fragile.

Depuis 10 jours, le monde est occupé à tirer des leçons de la crise grecque; à évaluer les chances de survie de l'euro; à revoir à la baisse les espoirs placés dans la grande Europe. Que la déconfiture d'une nation à l'économie aussi modeste (2,6% du PNB total de la zone euro) fasse trembler la planète est incompréhensible si on ne réalise pas à quel point, même en période de stabilité, cet assemblage continental est hétéroclite et fragile.

Ces qualificatifs valent à la fois pour la zone euro et pour l'Union européenne.

Avoir cru que ce serait facile d'intégrer économiquement l'artiste tchèque, l'ingénieur néerlandais, l'informaticien français, le professeur italien et le... plombier polonais (!) dans une mégastructure uniformisatrice et « dénationalisée » relevait, on le constate aujourd'hui, d'une utopie.

D'où les déchirements identitaires de l'UE. Les furieux débats qui ont accompagné son expansion. Les désaccords profonds sur sa véritable nature, flottant dans des limbes constitutionnels. Les questionnements sur son avenir: pensons à l'appel de la Turquie.

En fait, il n'est même pas nécessaire de déposer sur la table ces grands enjeux. L'actuelle joute économique met à elle seule en lumière le côté très artificiel de ce conglomérat de nations, mariées par raison.

Et pour finir, on le voit sur les marchés boursiers, la partie déborde maintenant du continent. «Acropolis Now», titre le flegmatique hebdomadaire The Economist, appelant Coppola à la rescousse pour décrire la petite apocalypse induite par la Grèce!

* * *

C'est là que chacun réalise à quel point ce qu'on appelle l'«économie» n'est pas cette froide, anonyme et inhumaine structure imposée de haut et que décrivent avec mépris les philosophes de boudoir. Mais bien, comme la politique ou la culture, une construction intimement liée à la nature profonde des humains qui l'alimentent et qu'elle alimente, en un lieu et en un temps précis. Un Grec de Rhodes n'est pas un Allemand de Cologne. Ce que ça veut dire, c'est qu'il n'est pas indifférent qu'un peuple choisisse de vivre d'une façon plutôt que d'une autre; de bâtir son environnement économique en fonction de telle priorité plutôt que telle autre.

Tout a été dit sur la cigale grecque... surtout par la fourmi allemande, justement!

Mais il n'en reste pas moins que les coûteux choix de société faits par les Grecs n'auraient été tenables que dans une économie autarcique acceptant collectivement l'extrême frugalité. Or, ça n'existe plus nulle part, évidemment, surtout pas en Europe. Ces choix appelaient la ruine. Elle est là.

Il faut sauver la Grèce? Bien sûr. Mais à long terme, ce sont les Grecs eux-mêmes qui le feront en revoyant leurs choix. Sauver l'euro et l'Europe? À bien des points de vue, le sens de l'Histoire le commande.