On a dit que la seule chose que la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, n'a pas critiqué lors de son passage au Canada, c'est le menu du dîner d'apparat ! C'est presque vrai. Elle a littéralement giflé le gouvernement Harper.

On a dit que la seule chose que la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, n'a pas critiqué lors de son passage au Canada, c'est le menu du dîner d'apparat ! C'est presque vrai. Elle a littéralement giflé le gouvernement Harper.

Certes, Stephen Harper est un conservateur. Et les tandems hybrides, pouvoir conservateur au Canada et démocrate aux États-Unis, n'ont jamais bien roulé.

Mais ça n'explique pas tout.

Pendant que la secrétaire d'État sermonnait ses voisins du nord, Barack Obama, lui, déballait tout son charme pour accueillir Nicolas Sarkozy – un conservateur lui aussi, mais à l'européenne... Sur l'Afghanistan, par exemple, on appréciera la différence de traitement. D'une part, Hillary Clinton réclamait que le Canada s'implique encore plus alors qu'il a amplement donné et a clairement indiqué son intention de se retirer. D'autre part, le président américain évitait soigneusement d'aborder le sujet avec son homologue français, dont le bras militaire a fait peu et ne fera pas davantage !

Il ne resterait donc qu'à oublier cet ouragan qui s'est enfin éloigné si Hillary Clinton n'avait marqué un point, un vrai.

L'affaire concerne l'accès à l'avortement pour les femmes des pays en voie de développement.

La rencontre de Gatineau étant destinée à préparer un sommet du G8, en juin, où il sera question de la santé des femmes dans les nations moins fortunées, la santé reproductive sera pour ainsi dire à l'honneur. Or, Stephen Harper a indiqué que son gouvernement n'avait pas l'intention de défendre l'« offre » de l'avortement. Ce à quoi la chef de la diplomatie américaine a répliqué que « la santé reproductive, ça inclut la contraception, la planification familiale et un accès légal et sécuritaire à l'avortement ».

Le sujet divise. Les libéraux de Michael Ignatieff se sont récemment déchirés sur la question. La population canadienne n'est pas unanime. Pas plus que les pays du G8.

Cela étant, il reste tout de même deux choses.

D'abord, l'accès à l'avortement est garanti ici, au Canada, parce qu'on a jugé – avec raison – que les femmes ont droit à leur intégrité physique et à leurs choix moraux.

Ensuite et surtout, pourquoi ce droit dont jouissent les femmes des pays favorisés serait-il refusé à celles qui sont moins choyées ? Au contraire, on peut plaider qu'elles en ont encore davantage besoin. Les droits des femmes – ainsi que, dans une large mesure, la prospérité générale – progressent en effet dans l'exacte proportion où elles contrôlent leur fertilité. Au surplus, il est moralement injustifiable que, selon l'Organisation mondiale de la santé, 200 femmes meurent chaque jour dans le monde des suites d'un avortement mal pratiqué.

Il n'est pas légitime de la part de Stephen Harper de déroger aux grandes politiques en vigueur au pays. Et encore moins de grever l'aide étrangère de boulets moraux que nous-mêmes n'avons pas à traîner.