Probablement toutes les villes traversent-elles un jour des périodes de déclin ou de stagnation. Il y a 30 ans, virtuellement en faillite, devenue impossible à administrer, ravagée par la saleté et l'anarchie de ses rues, New York était un monument élevé à la décadence urbaine. Un fonctionnaire municipal disait alors: «Le mieux, ce serait de fermer la ville et de recommencer ailleurs...»

Certes, on ne peut pas comparer les petites choses aux grandes. Ni prétendre que Montréal en serait arrivé à ce point, évidemment.

 

Mais si la métropole du Québec n'est pas en faillite, elle est bel et bien prise à la gorge tant qu'elle ne disposera pas de nouvelles sources de revenus. Écartelée entre duchés d'arrondissements et soviets syndicaux, elle n'est pas impossible, mais diablement difficile, à administrer. Et si elles ne sont pas des zones de guerre jonchées de détritus, ses rues ne respirent pas non plus, sauf exception, l'opulence et la fraîcheur.

Au surplus, Montréal se singularise sur un point: elle est durablement affligée d'une formidable force d'inertie - évitons le mot «immobilisme», que le bon maire Tremblay a en horreur! Certes, les élus municipaux n'en sont pas les seuls responsables. Le sont au moins autant les gouvernements supérieurs, les urbanistes d'estrade et les vociférateurs professionnels.

Plus récent exemple de cette rigidité cadavérique: la rue Notre-Dame, dont la réfection a été envisagée de quatre façons, décriées les unes après les autres par les uns et par les autres, a englouti pendant ce temps 30 millions en agitation paperassière!

Ce non-boulevard de l'Est, c'est Montréal tout craché.

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Sur ce, s'amènent les petits oursons dont l'image ornera bientôt les haltes familiales aménagées dans les édifices municipaux. Réussiront-ils à convaincre les parents de ne pas quitter la ville? Ou d'y revenir? Ou de l'«essayer»?...

Chose certaine, l'exode des familles - véritable fuite des berceaux! - est une tendance qui, à court terme, sera difficile à renverser.

Le coût de l'habitation sur l'île, auquel le «plan famille» annoncé par Gérald Tremblay s'adresse en priorité, n'est en effet qu'un facteur parmi d'autres. Jouent également: la nature et la qualité de l'habitation (un jardin de 500 mètres carrés restera introuvable à Montréal); ainsi que le coût et la qualité des services disponibles (l'éducation, domaine échappant totalement au contrôle de l'Hôtel de ville, est au haut de la liste des familles).

Il y a en outre ce grand impondérable qu'est l'envie qu'éprouve chacun de demeurer à un endroit plutôt qu'à un autre. Aucune politique unique, aucun plan précis, ne peut jouer sur cette corde. Ni fabriquer cette sorte de magnétisme qui rend une ville centre plus attirante que ses périphéries en faisant oublier ses désavantages.

Montréal ne projette pas - ou ne projette plus - ce magnétisme. Et le slogan I Love Montréal n'existe pas.