Il existe deux réalités inévitables, veut le dicton: les impôts et la mort. Au sujet de la moins désagréable des deux (!), on peut affirmer que toute la vie n'est qu'une longue préparation à la mort. C'est une difficile entreprise qui échoue presque toujours. Et on reste alors avec ce cadeau empoisonné: la vie, mais gâchée par la conscience de sa propre finitude.

À preuve, tout ce que l'Homme a bricolé pour domestiquer la grande faucheuse. Les dieux et les religions. La réincarnation et la résurrection. La course à l'immortalité par l'art, la politique, la guerre. Plus récemment: le corps éternellement réparé, l'esprit téléchargé dans l'espace virtuel...

Et pour achever de rendre l'affaire parfaitement insupportable, le «je» moderne, hypertrophié et déifié, «rend la mort encore plus dramatique», dit l'anthropologue Serge Bouchard dans Vivre jusqu'au bout. Il s'agit d'une série de cinq émissions, de Mario Proulx, qui seront diffusées à compter de lundi (13h et 22h) à la Première Chaîne de Radio-Canada. On y fait le tour de tout ce qui concerne la mort, agonie et rites, euthanasie et deuil.

Et on en vient à cette conclusion: le «savoir mourir» est une compétence qui, au Québec, s'est perdue depuis au moins deux générations (voir à ce sujet le blogue de l'édito sur Cyberpresse).

Qu'y faire?

D'une part, il n'y a pas de remède à la peur générée par la perspective de la mort. Proulx a consulté de tout, psychologues, médecins, artistes, philosophes et... simples mortels. Chacun a son truc (ou n'en a pas), mais l'angoisse demeure. Il faut vivre avec. Cependant, on peut agir sur les «petites peurs» sévissant autour de la mort elle-même. Peur de devenir un fardeau, peur de la solitude ou même de l'abandon, peur de la souffrance et de la perte de contrôle...

Or, agir là-dessus, c'est la responsabilité autant des individus, les proches et les soignants, que de l'État en sa qualité d'administrateur de la santé et donc de la mort. «La médecine d'État a surtout été orientée vers le curatif et ce n'est pas anormal. Mais il ne faut pas oublier que 100% de nos patients meurent...» illustre le Dr Patrick Vinay.

Certes, le gouvernement ne légiférera pas sur les devoirs des proches d'un mourant. Mais il peut et doit augmenter les ressources disponibles en soins palliatifs dans les quelques maisons de fin de vie qui existent, dans les hôpitaux et surtout à domicile. Ça ne fera pas disparaître les angoisses métaphysiques. Mais ce sera un pas vers une mort aussi digne et sereine que possible.

Celle que chacun souhaite pour lui-même et pour ses proches.

mroy@lapresse.ca