Avant de chanter l'oraison funèbre de Barack Obama, il faut apprécier deux particularités liées à l'élection de mardi. Ce jour-là, les électeurs du Massachusetts ont donné le siège de sénateur appartenant littéralement aux Kennedy à un républicain populiste, Scott Brown.

Deux choses, donc.

La première est que, le débat public américain étant monopolisé par la réforme du système de santé, le Obamacare , les électeurs de cet État avaient une bonne raison pour ne pas appuyer les démocrates. Ils ont en effet tout ce qu'il faut à la maison: le Massachusetts s'est déjà donné une couverture presque universelle des soins de santé - moins de 2,6% des 6,3 millions de citoyens ne sont pas assurés.

 

Second point: on gagne rarement une élection avec un mauvais candidat. Or, l'aspirante démocrate, Martha Coakley, vue à tort ou à raison comme suffisante et déconnectée, a fait une très mauvaise campagne.

Cependant, rien de cela ne fait oublier que, exactement un an après avoir été assermenté, le 44e président des États-Unis vient de subir une belle raclée.

Or, on peut estimer - c'est notre cas - que le traitement qu'on lui a infligé est injuste.

Certes, il a fallu se rendre à l'évidence: Barack Obama est incapable de marcher sur les eaux... S'il a bien fait dans les dossiers de l'Irak et même de l'économie, il a beaucoup jonglé avec l'Afghanistan et avec Guantanamo; il a échappé le taux de chômage, supérieur à 10%; il n'est pas encore parvenu à dompter la bête de la réforme de la santé (laquelle, théoriquement, peut encore être adoptée au Congrès).

Mais tout de même.

En devenant président, Obama a dû accepter un monstrueux héritage de guerres, de crise économique, de honte nationale - bien qu'il faille maintenant cesser de le rappeler. Et dès le début, la virulence des critiques formulées à son endroit, peut-être pas plus grande qu'elle l'était contre George W. Bush, a cependant été d'une autre nature, plus profondément méchante et vicieuse - rappelons seulement l'épisode du certificat de naissance...

Peut-on nier que, malgré cela, Barack Obama a fait entrer une grande quantité d'intelligence à la Maison-Blanche? Et qu'il a utilisé ce matériau pour rebâtir la fibre morale, la dignité, l'ouverture, l'image des États-Unis? Quelqu'un a calculé (dans The Economist) que la valeur de la «marque» Amérique, si elle était évaluée comme les «marques» Sony ou Coca-Cola, serait passée sous Obama de 9700 à 11 800 milliards US! Traduction: en un an, la planète a grandement repris confiance en cette nation-là.

N'est-ce pas en soi, après la décennie Bush, une stupéfiante réalisation de Barack Obama?

mroy@lapresse.ca