Ce n'est pas la première fois que l'attribution d'un prix Nobel de la paix étonne. C'est une caractéristique qu'il partage souvent avec le prix Nobel de littérature et, parfois, d'économie. En ces domaines et contrairement aux prix de médecine, de physique ou de chimie, il existe peu de critères objectifs et rigoureux. De sorte que le comité Nobel se sent libre, chaque année, d'y aller un peu à la tête du client!

C'est ce qui s'est produit, hier, avec Barack Obama.

Mais, au moins, on demeure avec lui sur le terrain de la paix et non de quelque autre cause édifiante et consensuelle, certes, mais étrangère à la nature du prix. Souvenons-nous d'Al Gore en 2007: il s'agissait de donner un appui politique à la mouvance écologiste. Et, davantage soucieux en 2006 de lutte contre la pauvreté que de paix, le comité avait choisi Muhammad Yunus, dispensateur de micro-crédit au Bangladesh...

 

Barack Obama et la paix pour de vrai, donc, en 2009. Ou pour être précis: Obama et l'espoir de la paix.

Si on excepte une seule réaction vraiment négative (celle, ô surprise, des talibans...), les réserves avec lesquelles on a accueilli la nobelisation du locataire de la Maison-Blanche tiennent à une chose: son arrivée toute fraîche dans la communauté des chefs d'État et de la diplomatie internationale. Or, c'est précisément par «ses efforts extraordinaires en vue de renforcer la diplomatie» que le comité Nobel explique le choix de Barack Obama. Et il précise: le président «a instauré un nouveau climat dans la politique internationale».

On dira qu'il s'agit d'un hommage aux mots et aux intentions puisque, en neuf mois, c'est tout ce que Barack Obama aura pu offrir au monde.

Mais il reste que les mots comptent. Et que, dans les meilleurs cas, les intentions sont suivies par des actes.

Par exemple, le discours d'Obama au Caire, en juin, a constitué un puissant désaveu de la doctrine du choc des civilisations, désaveu auquel il appartient dorénavant au monde arabo-musulman de souscrire à son tour. Et encore: l'intention exprimée par le leader américain d'ouvrir le dialogue avec l'Iran, ou Cuba, ou la Corée du Nord, a bel et bien changé, si peu que ce soit à ce stade, la dynamique des relations.

Reste à savoir si le prix Nobel de la paix sera une bénédiction ou un fardeau pour cet homme qui a reçu deux guerres en héritage. «Un combat sans merci», a commenté le commandant en chef des forces armées de son pays, hier, en acceptant le prix. «Et une autre où il faut combattre l'adversaire pour atteindre la paix.»

C'est le paradoxe auquel Barack Obama n'échappera pas.

mroy@lapresse.ca