On utilise l'Histoire sans la connaître. On la triture pour lui faire dire ce qui nous convient. On la dépose comme pièce à conviction dans des procès truqués.

Ce soir, on se servira de l'Histoire dans une procédure de cette sorte. On la triturera pour nous conforter dans ce statut de victimes que certains apprécient tant. On lui fera dire que nous sommes tous des « M. Tremblay de la rue Panet « et des « Mme Lemay de Saint-Hyacinthe «, vivotant des miettes « que les capitalistes anglo-saxons laissent dans (notre) basse-cour «...

 

Pourquoi ?

Parce que cette oppression d'opérette est jouissive, tout simplement, n'étant plus que virtuelle et donc inoffensive. Tout comme il sera jouissif aussi de jouer à la révolution virtuelle par Luck Mervil interposé, nous, les « 100 000 travailleurs révolutionnaires organisés et armés «... armés, oui, d'un drapeau des Patriotes et d'un t-shirt du Che.

Ce soir, l'Histoire sera une sorte de Xbox, de machine à jouer.

C'est certainement maltraiter l'Histoire que de la réduire à ce rôle. Mais on lui administre dans le monde bien pires traitements.

Par exemple, le révisionnisme historique est aujourd'hui courant, cela ajoutant dangereusement à la grande ignorance des faits qui est le lot de la plupart des sociétés, même instruites.

L'Histoire est aussi devenue une inépuisable source de ce minerai précieux : l'injustice passée. Ce matériau alimente une besogneuse industrie du ressentiment, cette maladie infantile des nations - en très net recul, ici, dans un Québec devenu adulte. Et il est utilisé pour construire un vaste système de rentes plus ou moins extorquées (voir le blogue de l'édito sur Cyberpresse).

Piochant dans cette réserve d'« injustice «, en effet, chacun revendique des excuses et des dédommagements. Et, de fait, certains ont obtenu les unes et les autres, relativement à des événements toujours plus éloignés dans le passé. Selon cette logique, un éventuel descendant de l'homo neanderthalensis réclamera un jour des excuses de l'homo sapiens (c'est-à-dire de l'humanité entière !) puisque, selon certaines hypothèses, celui-ci aurait « génocidé « celui-là...

« Où débuter ? Et jusqu'où faut-il reculer ? Dans le cas de certains conflits au Moyen-Orient ou en Europe, vous pouvez reculer dans le temps encore, et encore, et encore «, remarque (à la CBC) l'historienne canadienne Margaret McMillan, auteure de The Uses and Abuses of History (User et abuser de l'Histoire, non disponible en français).

Après la seconde bataille des Plaines, celle de 2009, il faudra prendre conscience du fait que c'est l'Histoire elle-même qui est la mère de toutes les victimes. Que c'est elle dont on abuse de façon éhontée. De sorte qu'elle est en droit d'exiger qu'on lui présente des excuses et qu'on la dédommage en manifestant désormais envers elle un intérêt véritable.

C'est-à-dire libre de ressentiment, de convoitise, d'arrière-pensées.