De tous les malheurs qui affligent l'opération occidentale en Afghanistan, le plus lourd est certainement le revirement de l'opinion publique afghane, qui n'y croit tout simplement plus.

En 2001, les troupes internationales avaient été accueillies avec une réserve prudente, mais teintée d'espoir. Trois ans plus tard, en 2004, un taux élevé de participation à la première élection présidentielle et une certaine collaboration sur le terrain permettaient de croire qu'on roulait sur la bonne voie. Aujourd'hui, les étrangers, en uniforme ou non, sont carrément vus avec hostilité.

 

La guerre menée du haut des airs - par manque de troupes au sol - qui a tué tant de civils aurait à elle seule suffi à retourner l'opinion. Mais 32 milliardsUS d'aide internationale ont en outre disparu presque sans laisser de traces... La protection et l'aide réelles, le paysan la trouve donc en cultivant le pavot ou en devenant ce qu'on appelle là-bas un «taliban à dix»: 10$ par jour pour se battre, le pactole!

De sorte que, il y a une semaine, l'Afghan moyen est peu allé voter, préférant (par peur ou par nécessité) pactiser avec ceux qui règnent de facto et seront encore là demain, alors que les troupes de l'OTAN, elles...

C'est ce que fait aussi Hamid Karzaï, peu scrupuleux sur la moralité des hommes de pouvoir dont il s'entoure parce qu'il en a besoin aujourd'hui; prêt à négocier avec les talibans, y compris le mollah Omar, parce qu'il en aura besoin demain.

Si, évidemment, il conserve son fauteuil présidentiel, ce qui n'est pas sûr encore.

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Le Time a calculé que verser 20 dollars par jour aux 10 000 à 15 000 «talibans à dix» pour qu'ils restent à la maison ne coûterait presque rien et condamnerait à l'impuissance les véritables, mais peu nombreux, fous de dieu. Simple boutade? Peut-être. Mais, en Irak, n'a-t-on pas «acheté» de cette façon 100000 insurgés sunnites?

Le simple fait qu'on en soit là montre que plus personne ne sait vraiment ce qu'il faut faire en Afghanistan. Les constats sont tous, sans exception, pessimistes. Les prospectives sont toutes, sans exception, immatérielles et inquiétantes.

Les unes après les autres, les opinions publiques occidentales décrochent, tout comme s'évaporent les raisons d'être là.

Priver Al-Qaeda d'un refuge? C'était nécessaire, mais il faudra en ce cas bloquer aussi le Pakistan, la Somalie, le Soudan, le Yémen, dix autres lieux encore. Aider les Afghans et surtout les Afghanes? Peut-être les pacifistes hardcore avaient-ils raison et vaut-il mieux les abandonner à leur sort. Prévenir la formation d'un trou noir géopolitique qui aspirerait le Pakistan (nucléaire) et déstabiliserait toute la région? C'est la meilleure raison qui subsiste, mais c'est compliqué et on ne fait pas de chansons avec ça.

À la recherche d'une solution miracle, le monde a besoin ici d'un éclair de génie... qu'on ne voit pas venir.