Selon Ravi Shankar, la foule assemblée à Woodstock du 15 au 18 août 1969 était belle comme le sont «en Inde, les troupeaux de buffles qui s'immergent dans la boue»! À travers les envolées lyriques auxquelles on aura droit en ce 40e anniversaire de l'iconique festival, la vision qu'en a eue le musicien indien sert à nous ramener sur le... plancher des vaches.

Or, à ce niveau, Woodstock fut surtout un gros accident en attente de se produire et qui, par miracle, ne s'est pas produit (on lira le blogue de l'édito à ce sujet).

 

Bien sûr, lorsqu'on évoque Woodstock, ce n'est pas de ça qu'on parle. On parle de sens. Mais lequel? Après 40 ans, les illusions - ah! l'amour, la paix, la contreculture et l'ère du Verseau! - se sont envolées. À ce point de vue aussi, Woodstock fut surtout un accident.

C'est-à-dire un événement qui, en soi, n'a justement pas de sens.

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Tout baby-boomer aura du mal à l'admettre, mais on ne trouve rien de bien consistant dans l'héritage dont on fait ici l'inventaire. La «génération Woodstock» aura duré trois jours, du jeudi soir au lundi matin, comme un long week-end de congé qu'aurait pris une civilisation tout entière!

Souvenons-nous que Woodstock a été temporellement encadré, avant et après, par la violente convention démocrate de Chicago et par Charles Manson. Par l'escalade au Vietnam et le festival meurtrier d'Altamont. Par les émeutes raciales et la wallstreetisation de l'économie. Gros Jean comme devant, dit-on...

Tout de même, il en est resté quelque chose, non?

Mais bien sûr!

Par exemple, parlant d'économie, c'est dans la boue de Bethel, N.Y., qu'a été imaginée (notamment par Warner Bros qui allait distribuer Woodstock, le film) la grande industrie multinationale du rock: mégaconcerts de stades, radios formatées, disques et films de grande distribution, produits dérivés sur MTV.

En outre, la «rébellion» de Woodstock est ensuite devenue le principal produit de marketing et de consommation. Les rockers s'approvisionnent depuis chez Rent-A-Cause où on trouve de tout, du fascisme en Palestine jusqu'au racisme à Montréal-Nord. La boutique de mode, rayon des t-shirts, est le haut lieu d'expression de la dissidence. Rejeter le système est devenu la condition sine qua non pour y entrer.

Cela dit, ce n'est pas grave si le legs de Woodstock est à ce point ordinaire.

En 69, la musique était bonne et gratuite, la dope omniprésente et bon marché: seule une société d'extrême abondance pouvait se permettre un tel party. Une fois soignée la gueule de bois, chacun en a pris conscience et est retourné au boulot... en écoutant du rock sur son iPod et en signant des pétitions.

mroy@lapresse.ca