On se serait presque cru revenus aux belles années de la rivalité Montréal-Québec sur les patinoires du Forum et du Colisée. Mais, cette fois, c'est pour une chanson qu'on s'étripe. L'annonce du déplacement en juin des FrancoFolies de Montréal a en effet entraîné une empoignade de première grandeur, hier, entre les maires de Montréal et de Québec.

En soi, le litige n'est pas nouveau: depuis qu'il existe, le festival de la chanson francophone a toujours eu du mal à se trouver une place confortable au calendrier.

 

En 1993, après cinq ans de présence automnale, le festival montréalais avait déménagé en août. Puis, en 2005, il avait été question de le reloger en juin. Or, autant en 1993 qu'en 2005, des représentants de la Ville de Québec, de son Festival d'été et de quelques autres manifestations ailleurs en province avaient poussé les hauts cris.

Cette fois-ci, le patron de l'Équipe Spectra, Alain Simard, présente sa décision comme irrévocable, faisant défiler les raisons logistiques, économiques, sociales et culturelles pour lesquelles il en est ainsi.

À Québec, le maire Régis Labeaume tonne: le gouvernement, dit-il, devrait suspendre sa contribution financière aux FrancoFolies. À Montréal, le maire Gérald Tremblay affirme que la métropole doit «rentabiliser les 120 millions de dollars investis dans le Quartier des spectacles» et moque les «états d'âme» de son vis-à-vis de Québec.

Qui a dit que la musique adoucit les moeurs?

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Maintenant, chacun doit se calmer - surtout à Québec, il est gênant d'avoir à le dire.

Il est douteux que Simard soit en train de tenter d'égorger qui que ce soit. Et les grands événements de Montréal, de Québec et d'ailleurs dans la province ont en général réussi à collaborer dans des contextes économiques et culturels évoluant à la vitesse grand V depuis plus de deux décennies.

Ainsi, les hauts cris poussés dans la Vieille Capitale en 1993 se sont vite éteints après qu'on eut réalisé que la relocalisation en août des FrancoFolies n'avait entraîné aucune des catastrophes annoncées. En 2005, une vaste coalition d'artistes et autres intervenants en culture ou en tourisme (de Jean Leloup à Air Transat, de Stefie Shock à la chaire de tourisme de l'UQAM) s'était prononcée pour la mise à l'essai, à tout le moins, des FrancoFolies en juin.

Les gens de Québec ont des inquiétudes, soit. Ceux de Montréal, eux, ont des certitudes. D'abord, il est impensable que la «plus grande ville française d'Amérique» n'ait pas un festival de la chanson francophone en bonne santé. Ensuite, la métropole se doit à elle-même de se donner une grille de grands événements la plus efficace, la plus substantielle et la plus attrayante possible.

Au surplus, la culture n'est pas un jeu à somme nulle: ce que Montréal gagne, personne ailleurs au Québec ne le perd nécessairement, on peut estimer que cela a été abondamment prouvé.