De l'examen critique du foulard islamique, la France est maintenant passée à celui de la burqa. Mandatée par l'Assemblée nationale, une mission d'information «sur le port de la burqa ou du niqab» a en effet commencé ses travaux, cette semaine. Elle a pour tâche de déterminer s'il faut les tolérer ou les bannir, non seulement dans l'administration ou à l'école (où le foulard a été interdit), mais dans tous les lieux publics. Il a 10 jours, Nicolas Sarkozy a déclaré que la «burqa n'est pas bienvenue sur notre territoire». Le débat fait rage depuis.

Décidément, il n'y a pas qu'au Québec que les accessoires vestimentaires associés - théoriquement - à la religion créent inconfort et malaise, division et polarisation...

 

Cependant, la France prend la chose au sérieux, bien davantage que d'autres nations. Son admirable tradition de laïcité y est pour quelque chose. Tout comme la présence de quatre à cinq millions de musulmans, une communauté que les mouvances extrêmes troublent de plus en plus.

Ainsi, l'affaire de la burqa est née dans la banlieue lyonnaise: à Vénissieux, le salafisme, version radicale et politique de l'islam, est populaire. C'est le maire de l'endroit qui a sonné l'alarme en notant que, chez lui, la burqa et le niqab posent des problèmes non seulement philosophiques, mais très pratico-pratiques.

De là, l'affaire a gagné toute la France (où il y aurait de 30 000 à 50 000 salafistes) et s'est rendue jusqu'au président de la République.

Elle a même voyagé jusqu'au New York Times, qui a ouvert ses pages, hier, à un débat sur le sujet. «Il faut bannir la burqa: elle n'a rien à voir avec l'islam, mais tout à voir avec la haine de la femme», y écrit une féministe musulmane, Mona Eltahawy. «Ma burqa, ce n'est pas de vos affaires», réplique Robert Sokol, un avocat d'Aix-en-Provence.

Un jeune musulman français reprend comiquement cette thèse du chacun-pour-soi: «Si la femme veut burquer, elle burque. Si elle veut pas, elle burque pas!» (dans Le Figaro)

Burquer ou pas? Peu de gens croient que les choses sont aussi simples.

Et il y en tout aussi peu pour croire que, lorsqu'ils sont portés en Occident (par opposition aux pays où ils sont obligatoires), la burqa et le niqab sont strictement des signes religieux.

Ce sont des entraves physiques, à peine moins paralysantes que des camisoles de force, destinées à un seul des deux sexes. Ce sont des placards politiques transformant celles qui les portent en femmes-sandwiches publicisant une cause - de fait, la branche maghrébine d'Al-Qaeda a menacé les Français de représailles s'ils interdisaient ces vêtements.

Comment la France se sortira-t-elle de tout ça? On verra bien. Mais on peut se réjouir de constater qu'elle comprend les enjeux. Et qu'elle ne manque pas de cran.