Bien sûr, le mot-clé est: déception. Après le discours historique de Barack Obama au Caire, après les élections parlementaires libanaises qui ont rabroué la coalition pro-iranienne et pro-syrienne, on cultivait l'espoir que le scrutin présidentiel iranien allait lui aussi souffler un vent d'ouverture et de conciliation.

Ça n'a pas été le cas.

Et, pire encore, on ne saura sans doute jamais dans quelle mesure la réélection de Mahmoud Ahmadinejad aura été usurpée.

Il semble extrêmement douteux qu'il puisse se féliciter d'un «appui populaire» égal à 63%, en effet, sans que la mécanique électorale ait été sabotée. (Il est certain, par exemple, que la circulation de l'information électronique - télévision, téléphonie, Internet - a été trafiquée.) C'est ce que retient une bonne partie de l'opinion internationale, exprimée notamment par le vice-président américain, Joe Biden, et le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon. En même temps, la marge qui sépare le président réélu de son principal opposant, Mir Hossein Moussavi (34% des voix), est si considérable qu'on se demande si une fraude, même massive, pourrait entièrement l'expliquer.

Ainsi donc, les formidables images d'une jeunesse iranienne - surtout féminine - avide de réformes et de liberté, diffusées partout dans le monde pendant la campagne électorale, auront été trompeuses. Ça s'est déjà vu ailleurs. Comme sont probablement trompeuses aussi les escarmouches de rue qui ont lieu à Téhéran depuis vendredi soir, les plus considérables depuis les émeutes étudiantes de 1999, ou peut-être même depuis les soubresauts de la révolution islamique de 1979.

Bien entendu, cette rébellion «verte» est durement réprimée. Hier, elle a été médiatiquement ensevelie sous les sons et lumières d'un gigantesque rassemblement pro-Ahmadinejad portant la signature du téléguidage étatique. Hier également, des journaux étaient fermés; les communications toujours perturbées; les rues quadrillées par la police, l'armée et les milices du pouvoir; des dizaines d'opposants emprisonnés; Moussavi placé sous surveillance.

L'édifice vacille mais ne s'écroule pas.

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Qu'en retenir? Insuffisance de l'élan progressiste, ou puissance inaltérée et brutale du régime, ou les deux?

Le résultat est le même.

L'Iran du président Ahmadinejad, dont la victoire a été dûment reconnue par le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, demeure en l'état: hostile à l'Occident et à Israël, commanditaire de la violence politico-religieuse, imprévisible sur le plan nucléaire, idéologiquement figé et économiquement handicapé sur le plan intérieur.

Tout de suite, on voit une sorte de cercle vicieux se refermer.

Dans son premier discours à la nation en matière de politique extérieure, hier, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a évoqué des négociations de paix inscrites dans un contexte rigide: un éventuel État palestinien est possible, certes, mais privé de maints attributs de la souveraineté... y compris, expressément, la possibilité de nouer des relations avec l'Iran.

En 48 heures, les belles et grandes paroles du Caire ont décidément pris un coup de vieux.