Non, il ne s'agit pas des inquiétudes vécues à Hérouxville, cette sympathique localité québécoise où il est interdit de lapider... Mais plutôt de la peur des champs électromagnétiques sévissant à Hérouville-Saint-Clair, une commune française de 24 000 âmes où la mairie vient de bannir les systèmes Wifi des écoles.

Cette étrange peur de tuer des enfants avec des ondes met en lumière deux choses.

La première est que la culture de la peur n'est jamais aussi vivace que lorsqu'elle se jette sur les enfants. Des écoles coupent les branches basses des arbres pour ne pas qu'ils y grimpent ; des parents équipent leurs rejetons de portables localisables par GPS...

«La plupart de nos pensées concernant les enfants sont teintées de peur (de sorte que) l'enfant moderne est élevé en captivité», écrit dans Manifeste pour une enfance heureuse le journaliste Carl Honoré, surtout connu pour son best-seller, Éloge de la lenteur. Il note que, pour l'enfant vivant aujourd'hui dans un pays développé, les risques de «souffrir de malnutrition, de négligence, de violence ou de mourir prématurément n'ont jamais été aussi faibles».

Peu importe : il est impératif d'initier les enfants à notre culture de la peur.

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Cependant, l'affaire des ondes tueuses de Hérouville est surtout une manifestation de la peur de la technologie. C'est l'une des frayeurs contemporaines les plus toxiques, produit de la peur de l'avenir multipliée par le désaveu implicite d'une société fondée sur le progrès.

D'une part, «imaginer toutes les tournures catastrophiques possibles des événements futurs est devenu une espèce de jeu de société pour intellectuels, au point que les plus ambitieux d'entre eux font de leurs sombres prédictions des succès de librairie», écrit Dan Gardner, déjà cité. De fait, les marchands d'apocalypses (petit quizz : nommez-en quelques-uns !) squattent non seulement les librairies, mais aussi la radio, la télévision, le cinéma et le web.

D'autre part, cette peur est largement associée aux doctrines extrêmes, à gauche comme à droite, qui rejettent le «système».

Dans Le Progrès et ses ennemis, l'essayiste français Guy Sorman le constate. Mais surtout, il dénonce l'une des créatures les plus... effrayantes de la culture de la peur : le principe de précaution. Celui-ci dicte qu'aucune innovation technologique ne doit être utilisée à moins que ne soit prouvée sa totale innocuité.

Or, une preuve de non-existence absolue est scientifiquement impossible à faire : on ne peut pas prouver que le Père Noël n'existe pas. Au surplus, l'homme des cavernes n'aurait jamais domestiqué le feu, épouvantablement dangereux, s'il avait été assujetti au principe de précaution.

Celui-ci devient alors un déni de civilisation, puisqu'il «inverse le principe fondamental de toute science expérimentale et celui du droit tels qu'ils ont été fixés depuis le Siècle des Lumières», écrit Sorman.

De cette façon, c'est la peur elle-même et non les objets de celle-ci qui, peut-être, nous feront beaucoup de mal.