Les drames familiaux aboutissant au meurtre et au suicide demeurent, dans les faits, peu nombreux. Mais c'est une mince consolation lorsque, par l'effet d'un sinistre hasard, de telles tragédies s'enchaînent les unes aux autres, comme c'est le cas depuis quelques semaines au Québec.

Chaque fois, on dit: ça ne doit pas se reproduire. Mais que trouvons-nous à y faire, au juste?

C'est difficile, parce que ces drames sont à bien des points de vue disparates. Des hommes et des femmes tuent. Des gagne-petit et des professionnels. Les gestes sont impulsifs ou prémédités, impliquant ou non des troubles mentaux, annoncés ou pas par des signes avant-coureurs. Mais il existe bel et bien un fil conducteur. L'écrasante majorité de ces événements implique des personnes ayant récemment vécu, vivant à ce moment, ou s'apprêtant à vivre une séparation.

 

Avons-nous sous-estimé les répercussions humaines de la séparation et du divorce?

Pourtant, on connaît le taux d'incidence: 51,9 divorces par 100 mariages (2005). C'est plus de 15 400 divorces, sans parler d'un nombre probablement aussi élevé de ruptures d'unions de fait (34% des couples), réputées moins stables. Chaque année, on voit donc plus ou moins 60 000 hommes et femmes plongés dans un des épisodes les plus déstabilisants d'une vie, tant au point de vue émotif et social qu'économique - sans parler de la déchirure imposée aux enfants.

Certes, l'État a agi. Il s'est occupé de la loi. Partage du patrimoine familial, fixation de la pension pour enfants, dispositif de médiation avocassière: les hommes, les femmes et les enfants qui meurent des suites d'une séparation peuvent le faire dans un irréprochable cadre légal!

Mais ensuite?

Le premier trou noir est flagrant. Si, dans le malheur de la séparation, les femmes peuvent compter sur une structure d'assistance élaborée, les hommes ne trouvent presque rien. En termes de financement étatique, le rapport est de 11 à 1 (!): 86,6 millions vont aux ressources destinées exclusivement aux femmes et 7,8 millions aux quelques organismes s'occupant des hommes. La nécessité d'un rattrapage est évidente.

Mais une seconde piste pourrait aussi être explorée.

Mariés ou non, tous les couples avec enfants qui décident de rompre doivent rencontrer un médiateur. Sans créer un nouveau monstre bureaucratique, ce point de passage obligé ne pourrait-il pas être utilisé pour tenter de détecter les cas à problèmes? Actuellement, 71% des quelque 900 médiateurs familiaux du Québec sont des avocats ou des notaires, alors que seulement 29% sont des professionnels du travail psychosocial - la loi, toujours la loi... Se donne-t-on ainsi la bonne priorité?

Un réseau léger, souple, même largement informel, construit autour de médiateurs davantage choisis chez les psychologues et les travailleurs sociaux, apparaît a priori comme un début envisageable de solution.

Peut-être le taux de survie à la séparation pourrait-il alors monter de quelques points.