Depuis quelques semaines, on constate que l'attention médiatique et populaire, soulagée partiellement de l'Irak et totalement de George Bush, se tourne en bloc vers l'Afghanistan. Vers l'«autre» guerre. Celle qui se dégrade en silence, celle qui est dangereusement liée à l'islamisation croissante du Pakistan voisin.

En entrevue à CNN et au Wall Street Journal au cours des derniers jours, Stephen Harper a prédit que «nous ne vaincrons pas l'insurrection seulement en demeurant là», dans ce pays dont toute l'histoire est une chaîne de violence presque sans interruption.

 

Entendant cela, les trois partis de l'opposition ont crié victoire à la Chambre des communes, hier, estimant que le premier ministre se rend ainsi à leurs arguments. En fait, Harper reprenait grosso modo l'analyse contenue dans un «manuel de contre-insurrection» récemment mis en circulation par le ministère de la Défense nationale et signé par le commandant de l'armée de terre, Andrew Leslie; on y prévient qu'une paix durable en Afghanistan viendra, non pas des armes, mais d'une solution politique.

Qu'importe: on voit ce que cela sous-entend. Et ce n'est pas particulièrement gai aux yeux de quiconque entretient encore un brin d'idéalisme.

Cela implique en effet qu'il faudra, comme nous l'avons déjà noté ici, négocier avec certaines des factions talibanes, celles qui, au minimum, n'entretiennent pas de liens avec le djihad global. Qu'il faudra «apprendre à vivre avec l'islam radical», comme le résume Fareed Zakaria dans Newsweek.

Ce qui veut dire: accepter le fait que, lorsqu'elle sera un jour laissée à elle-même, la société afghane sera asymétrique. Au mieux, en partie démocratique et en partie féodale. Soumise pour une bonne part à des codes étouffants et rétrogrades, en particulier pour les femmes. Peu apte à assurer à sa population, même à long terme, une existence se situant ne serait-ce qu'un peu au-dessus du niveau de la misère... et il vaut mieux ne pas trop miser sur cette bouée morale que constitue l'aide internationale, surtout non protégée, comme les dernières décennies l'ont douloureusement démontré un peu partout dans le monde. Fin des illusions.

L'image qui émerge de tout cela, c'est celle d'une grande impuissance de l'Occident.

Car même si l'on contemple ce qu'il advient de l'objectif urgent et premier de l'opération afghane, celui de priver la terreur islamiste d'une base arrière sécuritaire, il faut bien constater qu'on n'y est pas vraiment arrivé non plus: les cadres supérieurs d'Al-Qaeda ont tout simplement déménagé... Et si le bureau-chef benladien a perdu beaucoup de son élan, cela relève davantage de sa propension à massacrer des musulmans au nom de l'islam que des coups reçus de l'extérieur.

Bref, depuis que Barack Obama est entré à la Maison-Blanche, il y a six semaines, on a compris que le mot «victoire» avait perdu son sens, en Afghanistan. Avant de décider quoi que ce soit, il faudra maintenant lui en trouver un nouveau.

mroy@lapresse.ca