Le monde sortira un jour de la crise économique. De la caverne au bungalow, l'humanité est venue à bout d'épreuves plus cataclysmiques. De celles qui ne font pas qu'appauvrir un peu, mais tuent à grande échelle: les famines universelles, les épidémies continentales, les catastrophes naturelles, les grandes guerres... sans parler des crises économiques précédentes.

Il est toujours amusant de monter sur une boîte à savon pour prédire la fin de ceci ou de cela. La fin du monde ou du capitalisme. La fin de la civilisation ou de la consommation.

 

Or, rien de pareil n'arrivera.

Pas de fin du capitalisme parce que - on respire par le nez chez les néo-marxistes! - il n'y a pas autre chose de fonctionnel à mettre à la place. Pas de fin de la consommation non plus. Parce que, une fois parvenus à un certain confort, les gens n'y renoncent pas à moins d'y être forcés par la police. Et parce que, davantage qu'un «roseau pensant», l'homme est une bête agissante programmée pour inventer, patenter, fabriquer, produire et échanger - avec ou sans but lucratif.

Mais il est douteux, et il serait triste, que les choses redeviennent exactement comme avant.

On ne parlera pas ici de simplicité volontaire. Rouler dans 20 cm de gadoue sur un vélo rafistolé, ou concocter soi-même son d'sous-de-bras bio, ou réparer son vieux toaster avec de la broche sont des luxes inouïs que, hors du Plateau, peu de gens ont les moyens de se permettre.

Néanmoins, les curés du simplicisme ont un point, comme on dit.

Avons-nous vraiment besoin de toute la stupéfiante panoplie de bébelles qui encombrent notre existence? Non. Peut-on miser notre survie sur la présomption que l'économie croîtra indéfiniment? Non. Peut-on taxer sans limites les ressources de la planète? Non. Faut-il réallouer notre richesse individuelle et collective à des besoins plus fondamentaux, tout en faisant attention à ne pas piétiner les roses?

Oui.

Il faudra en effet revenir un peu à l'essentiel. Et réévaluer lesquels, parmi les biens et services offerts, sont les plus nécessaires. Or, contrairement à ce que veut l'opinion dite éclairée, le prolétaire en est parfaitement capable.

Combien de gens, et pas des riches, supplient aujourd'hui de pouvoir investir davantage pour être sûrs d'être soignés lorsqu'ils seront aux prises avec la maladie? Combien de familles de la classe moyenne se privent déjà de bébelles, justement, pour offrir à leurs enfants une meilleure éducation? Quel citoyen ne serait pas prêt à aider davantage les plus démunis s'il était certain que son altruisme rapportera vraiment à ceux-là, et non à la besogneuse industrie ou à la kafkaïenne bureaucratie construite autour? Qui polluera sciemment si on lui offre des moyens réellement praticables de vivre «vert»?

Il faut se réinstaller à la planche à dessin et patenter encore. C'est la spécialité de l'espèce, après tout.