Quelle chimie s'installera - ou pas - entre ces deux hommes aussi différents l'un de l'autre que le sont Barack Obama et Stephen Harper, aujourd'hui, à Ottawa? La question est loin d'être triviale. Du tandem dysfonctionnel que composaient Richard Nixon et Pierre Trudeau jusqu'aux duettistes Ronald Reagan et Brian Mulroney chantant à l'unisson leurs racines irlandaises, les relations entre les deux voisins ont été façonnées de manière non négligeable par les... humeurs bilatérales au plus haut niveau.

«De bonnes relations personnelles font en sorte que les présidents acceptent les divergences de vues et ne les voient pas comme une insulte», dit précisément Mulroney (à Isabelle Hachey, dans La Presse).

 

L'histoire a maintes fois démontré, en effet, que des sympathies réelles existant entre chefs d'État peuvent aider à surmonter les différends, même profonds, de nature idéologique ou politique.

Charles de Gaulle et John Kennedy, dont les nations se trouvaient sur des orbites radicalement différentes, nourrissaient une grande confiance personnelle l'un envers l'autre: ce fut important, par exemple, lors de la crise des missiles de Cuba. Pareil entre George W. Bush et Tony Blair, qui ne partageaient certainement pas la même philosophie politique, mais qui (pour le meilleur et surtout pour le pire...) s'embarquèrent en commun dans l'aventure irakienne.

Barack Obama se trouve donc dans la capitale canadienne pour quelques heures, aujourd'hui. Il est prévu que lui et le premier ministre Harper auront un tête-à-tête, sans témoins, de 10 minutes. Dix petites minutes. Après quoi on procédera aux déjeuners, rencontres et autres échanges officiels, dans le brouhaha protocolaire et l'agitation des délégations officielles.

On ne peut songer à plus brève prise de contact, surtout au vu des dossiers que les deux pays devront manipuler en commun au cours des mois et des années qui viennent. Et, soyons lucides, au vu également de l'importance toute relative des états d'âme canadiens dans la grande fresque des relations internationales des États-Unis...

En entrevue à la CBC, mardi, Barack Obama a plus ou moins éludé les questions importantes.

Il n'a, a-t-il dit, «pas de demande» à formuler aujourd'hui quant à un éventuel maintien des troupes canadiennes en Afghanistan après 2011 - mais en aura-t-il demain? Les Canadiens ne devraient «pas trop s'inquiéter» de la menace protectionniste imbriquée dans le plan de relance économique américain - mais faut-il s'en inquiéter... juste un peu? Même flou artistique en ce qui concerne les sables bitumineux ou l'avenir des grandes stratégies environnementales.

Tout cela étant, le Canada a certainement besoin à ce moment-ci de l'accès le plus direct et le plus franc possible au bureau ovale.

Stephen Harper ne se mettra sans doute pas au basketball (le sport préféré de son nouveau vis-à-vis), en une sorte de «remake» de La grande séduction... Mais il peut certainement signaler amicalement à son hôte que les Canadiens, tout comme une majorité d'Américains, placent beaucoup d'espoir en lui.

mroy@lapresse.ca