«L'Amérique qu'on aime», selon le titre du volumineux et passionnant recueil de textes publiés dans La Presse, n'a jamais cessé d'exister. C'est juste qu'on ne voyait plus les États-Unis comme ils sont. Car, l'irruption de ce phénomène - dans tous les sens du mot - qu'est Barack Obama n'a encore rien changé à la réalité des choses.

Sinon, le regard.

Et le regard, en effet, ce n'est pas rien.

On ne refera pas le procès de George W. Bush. Mais, en l'occurrence, il faut bien le déclarer coupable d'avoir perverti la façon dont les Américains en étaient venus à se voir. Et comment ils étaient vus par les autres.

 

Obama a fait renaître l'espoir?

Mais a-t-il jamais été perdu? L'optimisme est un trait dominant - peut-être le trait dominant - de la civilisation américaine. Ça ne fait pas les manchettes, bien sûr. De sorte que les images de la guerre, de l'ouragan, du scandale, de la crise, qui constituent le pain et le beurre de CNN et de FoxNews, ne nous montrent pas comment les Américains se relèvent. Comment, dès la petite enfance, on leur a appris pourquoi et comment il faut se relever, toujours et en toutes circonstances.

Obama a élevé le débat politique?

Et par rapport à quoi? Dans quelle autre nation des gens de la rue sont-ils capables de citer de mémoire de longues phrases - qui ont souvent marqué un changement de cap pour le monde entier - de l'équivalent d'un Lincoln, d'un Roosevelt, d'un Kennedy, d'un Reagan même? Et de ces «équivalents», y en a-t-il eu des masses, ailleurs?... On avait oublié que l'histoire du discours politique américain n'est pas faite que de bushismes (le 27 juin 2007, on demande à Bush: «Tony Blair est-il vraiment votre caniche?» Réponse: «Non, il est plus gros que ça!»)...

Obama a réhabilité le savoir et la culture? Mais l'un et l'autre purgeaient-ils une peine? À la Maison-Blanche et dans ses environs immédiats, peut-être. Ailleurs au pays, le savoir et la culture n'ont jamais cessé un seul instant de constituer, bien davantage que les appareils militaire ou économique, les principaux moteurs de la puissance américaine. Jusqu'à nouvel ordre (et ça viendra un jour), c'est encore sur les États-Unis qu'on compte le plus pour apprendre et innover. C'est toujours à l'aune de la culture américaine (même si c'est pour la conspuer, comme le veut une mode inusable) qu'on juge les autres.

Rien de cela n'enlève quoi que ce soit à Obama, bien sûr.

Il est maintenant le 44e président des États-Unis d'Amérique. Il est le pur produit d'une grande civilisation. En fait, comme il le rappelle souvent lui-même, de la seule civilisation capable de porter un homme comme lui, ce phénomène, au poste de commande de la nation.

Il est très possible que Barack Obama soit un grand président - qui ne le souhaite pas? Ce serait tout simplement dans l'ordre des choses.

mroy@lapresse.ca