On assiste à assez peu de moments historiques dans l'espace d'une vie. À des événements malheureux comme l'assassinat de John F. Kennedy en 1963 et le 11 septembre 2001; ou heureux, tels le premier alunissage en 1969 et la chute du mur de Berlin dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989.

Demain sera de la même façon un jour inoubliable. Et heureux.

Et ce, non seulement parce que celui qui deviendra alors président de l'hyperpuissance jadis esclavagiste est un Noir. Mais aussi en raison de ce que cet homme inspire par rapport à ce que fut son prédécesseur: Barack Obama est en effet une figure d'espoir aussi surdimensionnée qu'est désespérant le bilan des huit années à la présidence de George W. Bush.

 

Passé à l'histoire avant même d'être entré en fonction, Obama est celui de qui on attend des miracles.

Plus des trois quarts des Américains estiment que son entrée à la Maison-Blanche est le plus grand événement historique auquel ils auront assisté (ou l'un des plus grands). Les trois quarts aussi sont certains que le pays ira mieux après quatre ans d'administration Obama. Une majorité est convaincue que l'ex-sénateur de l'Illinois réalisera toutes et chacune des 10 grandes promesses faites au cours de sa campagne électorale, de la mise en valeur des énergies renouvelables jusqu'à l'assurance santé universelle pour les enfants.

Et, plus fascinant encore puisque, à strictement parler, le président élu n'a encore rien fait: 83% approuvent sa gouvernance (USA Today/Gallup)!

Les plus superstitieux voient un signe du ciel dans le miraculeux amerrissage, vendredi, d'un Airbus d'US Airways sur les eaux de la rivière Hudson. La dernière fois qu'un gros porteur avait survolé New York à aussi basse altitude, au début des huit années de l'administration Bush, les choses s'étaient en effet terminées fort différemment...

Barack Obama sera donc, demain à 12h01, président des États-Unis d'Amérique.

Par conséquent, il ne faut pas être grand devin pour prédire que, très bientôt, il sera détesté - dans les recoins haineux du web, c'est d'ailleurs déjà commencé. Depuis Kennedy, aucun président américain n'y a échappé.

D'abord, après Angela Merkel, Margaret Thatcher, Michelle Bachelet, Violeta Chamorro, Benazir Bhutto, Golda Meir (et Kim Campbell!), on sait qu'il n'existe pas de façon «féminine» particulière d'exercer le pouvoir dans une démocratie. On constatera maintenant qu'il n'y a pas de façon «noire» non plus.

Mais surtout, les États-Unis demeureront encore pendant quelques décennies la plus grande puissance au monde. Par voie de conséquence, ils resteront le plus grand objet de haine, bien que la Chine, à mesure qu'elle s'impose, en attire une part de plus en plus grande...

Le «poids de la présidence» américaine, a dit George W. Bush en quittant, ne s'allège pas ne serait-ce qu'une seule seconde sur les épaules de celui qui le porte. Parce qu'on attend de lui une véritable rédemption nationale, ce poids sera double sur les épaules de Barack Obama.

mroy@lapresse.ca