Avec une étonnante discrétion et pendant que le monde avait à nouveau les yeux tournés vers le Proche-Orient, Cuba a célébré, le premier janvier, le 50e anniversaire de la révolution castriste.

Cela s'est fait dans une certaine morosité. Fidel, octogénaire et probablement très malade, ne s'est pas montré. Son frère Raul venait quelques jours plus tôt de brosser devant l'Assemblée nationale un déprimant tableau de l'économie cubaine. Il y a longtemps que la bonne vieille révolution à papa ne fait plus battre les coeurs - à Cuba, à tout le moins. Enfin, prenant la parole à Santiago, sur le balcon même où son frère avait fondé l'État nouveau aux premières heures de 1959, Raul Castro n'a attiré que 3000 personnes.

 

Mais rien de cela ne l'a empêché de servir une rhétorique en tous points conforme au folklore castriste, promettant un autre demi-siècle de «lutte incessante» entre une Amérique «agressive, traître, dominatrice» et un peuple cubain «héroïque»...

Or, ce dernier point est incontestable: héroïques, les Cubains le sont en effet.

Cinquante ans après la chute de Batista, ils attendent stoïquement depuis des années un autre bouleversement politique qui les tirerait de la relative pauvreté dans laquelle ils végètent - une pauvreté amortie par des services étatiques convenables, mais alourdie par la privation de liberté. Depuis l'effondrement de l'URSS, cet «oncle riche» qui a pendant des décennies colmaté à coups de milliards les fissures d'une économie insoutenable, le principe de réalité a en effet frappé, comme il finit toujours par le faire.

À la base, une agriculture détruite - ah! les réformes agraires! - fait en sorte que Cuba importe 84% de ses denrées alimentaires, surtout des... États-Unis, qui sont aussi le cinquième partenaire commercial et la première source de revenus des Cubains! Viennent ensuite la chute des prix des métaux; les désastres naturels (10 milliards$US de dommages en 2008); la pénurie chronique de devises étrangères; et bien sûr l'embargo américain (aussi perméable soit-il, comme on vient de le voir), qui est à la fois un épouvantail fort utile à la dictature castriste et l'ultime boulet traîné par l'économie cubaine.

Raul ayant succédé à Fidel il y a un peu moins d'un an, les 11,5 millions de Cubains ont peut-être espéré des changements rapides. Mais ils ne sont pas venus.

Aujourd'hui, c'est en direction des États-Unis qu'on regarde. Et, de fait, c'est à eux qu'il appartient d'agir puisque le peuple cubain, lui, est pour l'instant totalement dépourvu des leviers qui lui permettraient d'influer sur le cours des choses.

En campagne électorale, le président élu Barack Obama a promis un assouplissement des relations avec Cuba. Il doit aller jusqu'au bout de cette idée et lever l'embargo. Même les Cubains de Miami, si hostiles au régime castriste, sont aujourd'hui d'accord: 55% d'entre eux le souhaitent, du jamais vu, et 65% veulent également le rétablissement d'un lien diplomatique formel entre Washington et La Havane.

Au total, l'embargo américain contre Cuba est un anachronisme de la même eau que celui que représente un État communiste au XXIe siècle.

mroy@lapresse.ca