Qu'est-ce qui est préférable? Un arbre de Noël cultivé en pépinière, donc naturel? Un sapin des Fêtes sauvage, naturel lui aussi? Un végétal du solstice d'hiver, mais artificiel et made in China? Une installation d'inspiration sylvestre, oeuvre d'un créateur de chez nous, dont la verticalité phallique est mise en abyme par une composition multimédia de diodes électroluminescentes et de sphères spectrales; le tout dénonçant courageusement la dictature néolibérale de la consommation qui opprime l'intériorité spirituelle du regardant-regardé?

Choisir n'est pas simple. Nommer les choses encore moins. Agir est devenu presque impossible.

En ce sens, la mésaventure du roi des forêts est une parabole de l'effarante complexité de la vie en général. Une existence que la petite fraction de gens assez chanceux pour nager dans la prospérité et le confort s'échinent à muer en casse-tête inextricable.

Tout ça parce que l'Homo quebecus ne se nourrit pas que de pain et d'eau, mais aussi de problèmes à résoudre. Quitte à s'en inventer.

Les exemples pullulent.

À partir des petits téléphones avec lesquels il est impossible de téléphoner à moins d'être analyste-programmeur jusqu'aux grands projets qui ne se feront jamais - Ah! la salle de l'OSM... Un cirque permanent à Montréal... Le CHUM... Construire un immeuble, n'importe lequel, en ville... Élever un barrage hydroélectrique ou une éolienne... Le remplacement de l'échangeur Turcot... Un train sur l'estacade du pont Champlain... Des rues déneigées...

La saga coniférique résume tout.

Phase 1 : choisir l'objet. C'est une gigantesque entreprise à laquelle La Presse d'hier a consacré plusieurs pages. Et qui dépend d'une foule de contingences allant de la dimension du salon au sauvetage de la planète. Il faut savoir à combien de kilomètres se trouve l'arbre convoité; ajouter à cette donnée la hauteur dudit sapin ; déduire le coût unitaire du transport d'un arbre artificiel fabriqué à l'autre bout du monde ; diviser par son numéro d'assurance sociale.

Il ne faut pas essayer avec l'ordinateur : sa carte maîtresse va griller (exactement comme une Mastercard après la course aux étrennes!).

Phase 2 : nommer l'objet. C'est, on l'a vu, plus difficile encore. Et il ne faut pas compter sur les lumières des politiciens. L'un dit: «Nous sommes devant ce qu'on appelle un sapin de Noël, c'est très clair dans mon esprit» (le premier ministre Jean Charest). Mais un autre est plus circonspect: «Pour ma part, c'est un sapin de Noël alors que, pour d'autres, cela peut être un sapin des Fêtes» (le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard). Et un qui s'y connaît en arbres, le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard : «Est-ce que ça reste un sapin? Ça s'appelle-tu encore un sapin? Nous, on produit des sapins!» Malgré cela, le doute persiste...

Phase 3 : agir. Que faire, en effet?

Rien, comme d'habitude. De cette façon, il n'y a pas de risque de s'en faire passer un.