Célébrant cette semaine l'entrée dans leur centième année d'existence, les Canadiens de Montréal ont inauguré, à l'ombre du Centre Bell, une place publique à caractère historique. Quatre légendes du mythique club sportif y sont coulées dans le bronze: Howie Morenz, Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur, les deux derniers hockeyeurs étant toujours de ce monde pour se voir ainsi immortalisés.

Cet ajout à la trame urbaine est modeste, certes, mais il revêt plus que jamais une importance symbolique considérable.

 

Après la fuite du baseball professionnel et de la course automobile de haut niveau, après l'échec (ou l'échec appréhendé...) de grands projets culturels, économiques ou sociaux, Montréal peine en effet à garder son statut. Non pas de grande capitale du monde, bien sûr, mais à tout le moins de ville moyenne où on peut trouver une petite poignée d'institutions de renommée mondiale qui ne sont pas menacées dans l'immédiat.

Le CH entre dans cette catégorie. Tout comme l'Orchestre symphonique de Montréal qui, sous la baguette de Kent Nagano, connaît une nouvelle vie extrêmement prometteuse.

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La comparaison entre ces deux «équipes» par ailleurs fort dissemblables n'est pas fortuite - elles se sont d'ailleurs croisées lors d'un concert mémorable donné au lendemain d'une victoire mémorable, elle aussi!

Toutes deux réussissent par la compétence, par l'implication dans la vie de la métropole, par le contact étroit avec les fidèles qu'elles comptent l'une et l'autre.

Dans le quartier Saint-Michel, affligé par la pauvreté et la violence des gangs de rue, on achève d'aménager une patinoire réfrigérée dont les coûts ont été assumés aux trois quarts par la Fondation des Canadiens pour l'enfance. On ne peut s'empêcher de faire le lien avec le concert de l'OSM donné récemment en plein air à Montréal-Nord. D'autre part, «on a réussi au cours des dernières années à rajeunir la base de nos partisans et à aller chercher les plus vieux partisans qui avaient décroché», dit (à la télé de Radio-Canada) Pierre Boivin, président du club de hockey. De même, rajeunir le parterre de la salle Wilfrid-Pelletier est un objectif majeur de Nagano et de l'administration de l'OSM... qui, eux, n'ont toujours pas de nouvelle salle.

Les Canadiens vont bien. Depuis cinq ans, ils se produisent à guichets fermés; ils génèrent (avec les autres activités du Centre Bell) des retombées de 400 millions; ils versent plus de 40 millions par année aux trois ordres de gouvernement.

Mais demain?

Demain est fait d'une part d'incertitude. Sur le taux de change, d'abord: l'équipe de hockey nourrit deux douzaines de millionnaires payés en dollars américains. Sur la propriété du club, ensuite: des rumeurs étalées dans la presse spécialisée font état d'une vente possible des Canadiens, ce que l'actuel propriétaire, George Gillett, nie énergiquement... tout en disant vouloir offrir un accès limité à des partenaires éventuels.

«It's the economy, stupid!», comme on dit chez nos voisins du Sud qui, ces temps-ci, en apprennent - à la dure - un bout sur le sujet.

Même les héros n'y échappent pas.