La maison-mère d'al-Qaeda a officiellement salué l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis en le qualifiant de «nègre domestique». On désignait ainsi les esclaves noirs qui, jadis, servaient à la demeure de leurs maîtres et étaient réputés leur être tout dévoués - des «oncle Tom», en quelque sorte. L'expression, popularisée par le militant afro-américain Malcolm X, est contenue dans un nouveau communiqué vidéo de plus de 10 minutes diffusé sur le web, le premier depuis le scrutin du 4 novembre.

On y entend la voix de l'idéologue et principal communicateur de la nébuleuse terroriste, le docteur Ayman Al-Zawahiri.

Celui-ci a inclus dans sa présentation des extraits d'une allocution de Malcolm X - qui, on le sait, s'était converti à l'islam. Ainsi que des images de Barack Obama portant la kippa juive devant le mur des Lamentations, à Jérusalem. Obama, note le narrateur, a renié la religion musulmane de son père; c'est une accusation qui, chez les extrémistes, entraîne la peine de mort et qui sera sans doute beaucoup utilisée dans le futur.

Al-Zawahiri admet que «l'Amérique a changé de visage», mais affirme que son coeur et son esprit sont toujours les mêmes, haineux, cupides et diaboliques, de sorte qu'il exhorte les djihadistes à poursuivre leur lutte contre elle. Il évoque en particulier l'Irak, l'Afghanistan et la Somalie.

Enfin, il fait allusion à l'Iran, craignant visiblement l'ouverture d'un dialogue entre Téhéran et Washington sous Barack Obama.

La sortie du numéro 2 d'al-Qaeda n'étonne pas.

L'arrivée à la Maison-Blanche d'un homme prénommé Barack Hussein, qui a instantanément changé l'image de l'Amérique, qui personnifie le rejet des politiques de l'ère Bush, qui a généré un important capital de sympathie (y compris, jusqu'à un certain point, dans la «rue» arabe)... tout cela, bref, complique singulièrement l'entreprise des prosélytes de la terreur islamiste. C'était plus facile avec George W. Bush, probablement l'homme le plus détesté de la planète...

En outre, le président élu a clairement indiqué qu'il concentrerait les efforts des États-Unis en Afghanistan ainsi dans que les zones frontalières du Pakistan, où se trouveraient tant Oussama ben Laden qu'Al-Zawahiri.

Au total, il est assez facile de décoder le message de celui-ci, livré deux semaines après l'élection américaine.

Empreint d'inquiétude (des experts emploient le mot «panique»), il s'adresse d'abord et avant tout à un public musulman qu'al-Qaeda craint de voir devenir de moins en moins sympathique à la terreur. Rappelons qu'un tel revirement de l'opinion, que ben Laden avait alors vu venir avec effroi, s'est produit à une échelle remarquable en Irak, notamment, où al-Qaeda a subi des revers considérables.

Cela dit, on peut aussi conclure de ce communiqué que les intentions exprimées en campagne électorale par Barack Obama quant à sa politique d'intervention militaire et de lutte au terrorisme porte des fruits avant même qu'il ne se soit installé dans le bureau ovale.

Visiblement, il a mis le doigt là où ça fait mal.

mroy@lapresse.ca