Lundi, Barack Obama a pénétré pour la première fois dans le bureau ovale, invité par le président sortant. Mais il ne s'y installera vraiment que le 20 janvier prochain, après une période de transition qui aura alors duré plus de 75 jours. C'est une anomalie tributaire de la constitution américaine, amendée en 1937 afin de prévoir un délai de deux mois entre le jour de l'élection et celui de l'entrée en exercice (ce délai était auparavant supérieur à quatre mois!). Cela impose un calendrier de passation des pouvoirs qui, de nos jours, paraît interminable.

Mais cette fois-ci, en raison des circonstances économiques, du caractère historique de l'élection du sénateur démocrate de l'Illinois, de la fin de mandat pitoyable de George W. Bush (jugé de façon négative par 76% des Américains, un record historique), cette sorte de limbes politiques pourrait devenir invivable.

 

D'une part, le président élu devra se garder d'une implication, ou même d'une apparence d'implication, dans les décisions prises par le président en exercice et dont il devrait assumer une part de responsabilité. De fait, «je n'ai pas l'intention de passer trop de temps à Washington au cours des prochaines semaines», aurait confié Obama à un proche, selon le Wall Street Journal. D'autre part, la pression exercée sur lui par les médias et l'opinion publique est à la mesure des espoirs qu'il a fait naître. C'est-à-dire: considérable.

Le moins souvent possible à Washington, peut-être, mais Obama n'en réussit pas moins depuis une semaine à donner des signaux précis et nombreux sur ce qui se produira dès janvier.

Moins de 48 heures après avoir été élu, il a tenu à être vu en compagnie d'une impressionnante brochette de conseillers économiques, convoyant ainsi le message d'une attention immédiate portée à la crise. Dans ce droit fil, sa principale intervention à la Maison-Blanche, lundi, a été de suggérer au président Bush de prendre des mesures immédiates de secours au profit des géants de l'automobile; leur état se détériore littéralement d'heure en heure, en effet, et un emploi sur 10 est lié à cette industrie. (George Bush aurait réagi en demandant à son successeur, théoriquement plutôt protectionniste, d'appuyer le traité de libre-échange avec la Colombie!)

Outre l'économie, l'équipe de transition du président élu a laissé couler une grande quantité d'informations sur les intentions d'Obama dans des domaines aussi divers que le droit à l'avortement, la recherche sur les cellules souches ou l'exploitation pétrolière de territoires protégés. Dans tous ces cas, il s'agit de dossiers «sensibles» où il devra renverser des décisions de l'actuel président.

Au total, la constitution oblige donc Barack Obama à balancer entre le souci qu'il doit déjà avoir de l'image de sa (future) présidence et la nécessité d'envoyer les bons signaux et même d'influer immédiatement sur le cours des événements. Il s'agit pour lui d'un délicat exercice d'équilibriste dont le but, au cours des prochaines semaines, sera de manier avec finesse un pouvoir qu'il n'a pas encore.

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