À première vue, on est porté à se dire que les travaux du professeur Olivier Bauer pourraient figurer parmi les finalistes des prix Nobel, décernés chaque année aux études universitaires les plus... comment dire?... improbables. (Derniers lauréats: une étude comparative des sauts des puces de chats et de chiens; une analyse sur la capacité d'une amibe à sortir d'un labyrinthe; une expérience sur le son qu'émettent les croustilles lorsqu'elles sont croquées.)

Mais non: l'affaire est sérieuse.Le professeur Bauer, théologien à l'Université de Montréal (et qui fut gardien de but dans sa Suisse natale), donnera cet hiver une série de cours sur le hockey en tant que phénomène religieux. En d'autres mots: le Canadien est-il une Église? Et si oui, pourquoi? En 2009, Bauer proposera également des conférences sur le sujet et cosignera un livre ingénieusement intitulé: La religion du Canadien.

Le thème n'est pas aussi inusité qu'il le paraît. Ailleurs dans le monde, des chercheurs se sont ainsi penchés sur la religion du soccer, ou même du baseball. Rencontre suprême des dieux du stade et des dieux tout court, il existe en Argentine une église vouée au culte d'une vedette du ballon rond...

Où est-ce que tout cela nous mène? Ce n'est pas très clair.

Le lien le plus évident que désigne Olivier Bauer tient au langage quasi liturgique qui entoure la... Sainte-Flanelle. Et encore ne fait-il pas mention de la profusion d'objets du culte qu'évoquent avec piété bon nombre de spectateurs pendant les parties, en particulier lorsque leurs favoris sont victimes d'un mauvais coup!

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Plus sérieusement, peut-on parler de religion lorsqu'il est question de ferveur sportive partisane, quel que soit le niveau de celle-ci?

Historiquement, le sport - d'équipe, en particulier - a plutôt été associé à l'art de la guerre. Des peuplades primitives auraient ainsi littéralement remplacé la guerre par des matchs sportifs afin de régler leurs différends, évitant le carnage. "Un succès sportif peut servir une nation autant qu'une victoire militaire", déclarait Gerald Ford, alors président des États-Unis, en 1974. Et les Jeux olympiques constituent certainement une guerre mondiale faite par d'autres moyens: certains États participants (surtout ceux qui ont des ambitions plus ou moins hégémoniques) consacrent alors au sport dit "amateur" presque autant de ressources qu'ils en mettraient au service d'un affrontement armé, le cas échéant.

Vue sous cet angle, la ferveur sportive partisane aurait donc davantage à voir avec une forme bénigne de l'instinct tribal et belliqueux, le fameux "nous" contre "eux", qu'avec la religion. Au hockey, l'agressivité qui se déploie à la fois sur la patinoire, dans les gradins et même parfois rue Sainte-Catherine tendrait à confirmer cette interprétation.

Maintenant, n'enclenchons pas une... guerre de religion.

S'il est exact, comme le rapporte Olivier Bauer, que des gens ont affirmé avoir été guéris après avoir touché le chandail de Maurice Richard, on se trouve en effet sur le terrain de la foi.

Alors, bon match. Si les dieux le veulent, "la" puck roulera pour nous.